En 2018, l’éditrice Alina Gurdiel lançait une nouvelle collection aux éditions Stock. L’idée ? Inviter des écrivains à passer une nuit dans un musée et leur demander d’écrire un texte qui parlerait de leur expérience ainsi que de leur rapport à l’art. C’est Kamel Daoud qui a inauguré la série, suivi entre autres par Lydie Salvayre et Enki Bilal.

Leïla Slimani est la huitième à relever le défi. La chanceuse, elle a passé une nuit à la Punta della Dogana, ce magnifique musée qui avance en pointe sur le Grand Canal, à Venise, et qui abrite la collection d’art contemporain du milliardaire français François Pinault.

Imaginez le privilège de pouvoir passer une nuit seule dans un des lieux les plus fréquentés de Venise ! Mais Leïla Slimani l’avoue d’emblée, elle a un rapport trouble avec les musées qu’elle a seulement commencé à fréquenter à l’âge adulte, et qui l’ont longtemps intimidée. Même chose avec l’art contemporain, dont elle ne comprend pas toujours tous les codes.

Après être allée fumer en cachette dans les toilettes (c’est une fumeuse invétérée), l’auteure de Chanson douce déambule dans les nombreuses galeries et laisse vagabonder son esprit au gré des œuvres qu’elle découvre. Slimani n’a peur ni de la solitude ni du confinement. En tant qu’écrivaine, dit-elle, elle vit un confinement choisi. C’est le prix à payer pour consacrer sa vie à son art.

Les réflexions sur l’enfermement se bousculent dans son esprit tout au long de la nuit : il y a le confinement de l’écrivaine, mais il y a aussi celui des femmes au Maroc, qu’elle a également vécu lorsqu’elle était plus jeune. Un pays où le sexisme et les traditions enferment les femmes dans un quotidien étouffant. C’est pour cette raison qu’elle a choisi de vivre à Paris, nous confie-t-elle : pour être libre.

La nuit, c’est aussi le royaume des fantômes. Leïla Slimani convoque les siens. Car toute réflexion sur le confinement et la liberté la mène automatiquement à son père, injustement mêlé à un scandale financier qui l’a conduit jusqu’à la prison. On devine que cette épreuve a marqué la famille Slimani au fer rouge.

« Écrire a été pour moi une entreprise de réparation, écrit-elle. Réparation intime, liée à l’injustice dont a été victime mon père. Je voulais réparer toutes les infamies : celles liées à ma famille, mais aussi à mon peuple et à mon sexe. » Plus loin, elle dira que la mort de son père lui a permis de devenir une écrivaine libre.

La nuit est propice aux confidences et, dans ce texte, Leïla Slimani se livre comme jamais. Elle nous parle du poids de l’héritage, d’écriture et de liberté. En refermant Le parfum des fleurs la nuit, on rêve à une expérience similaire avec des écrivains québécois.

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Le parfum des fleurs la nuit, de Leïla Slimani

Le parfum des fleurs la nuit
Leïla Slimani
Stock
160 pages
★★★★