« Mourir, cela n’est rien. Mourir, la belle affaire ! Mais vieillir, oh, oh, vieillir », chantait Jacques Brel. Il n’a que 70 ans, mais l’écrivain Philippe Delerm est déjà fort troublé par ce temps qui passe trop vite. Dans La vie en relief, il annonce que l’âge le rend « plus fébrile, plus maladroit, plus raide, plus irritable à la moindre contrariété matérielle ».

Constatant une certaine flétrissure du caractère comme du corps, il ne peut regarder la mort en face, mais essaie plutôt de l’apprivoiser en écrivant. En se retournant aussi, usant de ses souvenirs et de ses acquis comme d’un baume, un bagage réconfortant.

Il se rappelle son enfance. Les sorbets et crèmes glacées aux parfums disparus, le gymnase de l’école, avec ses odeurs et sa lumière blafarde, ses études, ses premiers spectacles (Léo Ferré), l’époque des sommeils faciles, de l’insouciance qui deviendra crispation. Souvenir des étés chez son grand-père bouilleur de cru, souvenir du foot, de l’amour du cirque de son fils puis de son petit-fils.

Il évoque sa fascination pour Paul Léautaud, écrivain si différent de lui mais qu’il lit tous les jours. Il parle de sa propre ascension littéraire, de son obstination, de ses prétentions converties en publications. Les plus belles lignes du récit sont quand il parle de l’écriture, de la sensibilité de l’écrivain, cette sensibilité qui permet de convertir en mots toute chose et tout sentiment de la vie.

Vieillir, c’est savoir savourer les bons moments, sentir le bonheur dans des moments d’exception avec la famille et les amis. Philippe Delerm nous convie à ressentir, à chaque instant, ce souffle de vie qui nous anime et qui se dissipera.

Elle est peut-être involontaire, mais il y a indéniablement dans cet ouvrage une certaine amertume. Une nostalgie, une aigreur face au trépas, mais toutes trois mêlées à une véritable rage de vivre et de savourer les bienfaits de l’existence. « Le pari de l’ailleurs est triste comme un casino, écrit-il. Même s’il était vrai que la philosophie apporte la sagesse, même s’il était vrai que l’au-delà existe, il serait tellement étroit de vivre contraint, restreint, de vivre la vie comme s’il fallait lui échapper. »

PHOTO FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

La vie en relief, de Philippe Delerm

La vie en relief
Philippe Delerm
Éditions du Seuil
242 pages
★★★½