Lire un bon récit d’expédition, c’est se plonger dans un monde qui ne nous est pas familier, c’est apprendre à le connaître par les yeux d’un aventurier. Par une heureuse coïncidence, deux récits qui paraissent à quelques semaines d’intervalle nous entraînent au cœur de l’Antarctique.

S’ils offrent quelques similitudes, ils sont aussi extrêmement différents et complémentaires. Le premier est un récit à la première personne d’un jeune aventurier qui en est à ses premières armes dans le monde des grandes expéditions. Le second est une biographie tragique d’un homme d’expérience obsédé par le monde polaire.

Le Français Matthieu Tordeur est le plus jeune aventurier à avoir réussi à rallier le pôle Sud en solitaire, sans ravitaillement ni assistance.

Dans Le Continent blanc, publié plus tôt cet hiver, il raconte son périple, effectué en 2019 à l’âge de 28 ans. Il utilise une langue simple, directe, comme s’il s’adressait à ses copains et à sa parenté. Il parle des préparatifs, absolument cruciaux pour une telle aventure. Il fait partager son intense émotion quand il met enfin les pieds sur le continent glacé. Puis, une fois en chemin, avec ses skis et son traîneau, le jeune homme décrit la routine, les petits gestes, tout ce qu’il faut faire pour survivre dans cet environnement hostile, rendu encore plus imprévisible en raison des changements climatiques. Il neige beaucoup, ce qui est inhabituel. Le vent est violent, ce qui est tout à fait normal. Souvent, le « blanc dehors » (whiteout) s’installe, une « lumière laiteuse et uniforme » qui efface toute notion de haut et de bas.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE MATTHIEU TORDEUR

Le jeune aventurier Matthieu Tordeur en Antarctique

Son récit prend ainsi la forme d’un journal : une journée, un chapitre. Certains sont très courts, quelques lignes, juste assez pour faire acte de présence après une journée harassante. D’autres sont plus longs, il en profite pour faire œuvre de pédagogue et parler d’exploration polaire ou d’environnement. Matthieu Tordeur écrit ainsi un véritable guide pour ceux qui voudraient tenter l’aventure (avec liste d’équipement en annexe) et un récit fascinant pour ceux qui ne tiennent vraiment pas à affronter l’Antarctique.

Il lui a fallu 51 jours et 1130 kilomètres pour atteindre le pôle Sud et enfin se reposer au petit campement installé pour les visiteurs de passage.

« J’ai le sourire jusqu’aux oreilles de retrouver mes semblables, écrit-il. Certains visiteurs n’en croient pas leurs yeux quand je leur raconte que je suis parti il y a 51 jours de la côte du continent. Ils me trouvent en pleine forme ! »

La nature impitoyable

Comme son titre l’indique, The White Darkness, qui arrive en librairie mercredi, est beaucoup plus sombre. C’est la traduction française du livre du même nom, qui pourrait se traduire par « Blanche noirceur ». Il s’agit de la biographie d’Henry Worsley, officier de l’armée britannique à la retraite fasciné par le grand explorateur Ernest Shackleton. Celui-ci avait essayé d’atteindre le pôle Sud, sans succès, puis avait tenté de traverser l’Antarctique, sans plus de succès. Toutefois, il avait réussi à sauver tous ses hommes grâce à un sens exceptionnel du leadership et à un courage remarquable. Il est ainsi devenu un véritable héros.

Henry Worsley est apparenté à Frank Worsley, un des principaux partenaires d’Ernest Shackleton. L’officier veut d’abord compléter le trajet d’Ernest Shackleton vers le pôle Sud avec un petit-neveu de Shackleton, Will Gow, et l’arrière-petit-fils d’un autre coéquipier de l’explorateur, Henry Adams.

Le trio réussit l’exploit en 2009. Puis, en 2015, Henry Worsley s’attaque au trajet transantarctique que Shackleton voulait effectuer. Mais il veut accomplir l’exploit seul, sans assistance ni ravitaillement. Il s’agit d’un trajet de 1667 kilomètres, extrêmement difficile.

L’auteur de The White Darkness, David Grann, accorde ainsi une très grande importance au personnage d’Ernest Shackleton et à ses expéditions. De superbes images du photographe de la dernière odyssée de Shackleton, Frank Hurley, émaillent le récit.

Dans ce court récit, l’auteur illustre bien la véritable obsession que ressent Henry Worsley, une obsession qui en vient à menacer sa vie.

Le retour d’Henry Worsley à la civilisation est donc beaucoup plus dramatique que celui de Matthieu Tordeur. Mais dans les deux cas, on accompagne des hommes remarquables au sein d’une nature impitoyable et magnifique.

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

Couverture du livre Le Continent blanc — 51 jours seul en Antarctique, de Matthieu Tordeur

Le Continent blanc —– 51 jours seul en Antarctique
Matthieu Tordeur
Robert Laffont
252 pages
★★★½
En librairie

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

Couverture du livre The White Darkness, de David Grann

The White Darkness
David Grann
Éditions du sous-sol
142 pages
★★★½
En librairie le 10 mars