Contrairement à la mémoire de C-3PO, qui est effacée à la fin de Star Wars – Revenge of the Sith, celle d’Anthony Daniels est bien intacte et fort impressionnante. L’acteur qui incarne le célèbre « droïde de protocole » depuis près de 45 ans a récemment publié sa biographie, dont la traduction française vient de paraître. La Presse lui a parlé au lendemain de son 75anniversaire.

Je suis C-3PO. C’était le seul titre possible. Peu de comédiens ont interprété le même rôle pendant une aussi longue période. Certes, beaucoup ont prêté leur voix à un personnage animé ou à une marionnette pendant de nombreuses années, mais Anthony Daniels est aussi celui qui se glisse dans le costume du robot doré depuis le premier volet de la saga Star Wars, en 1977.

Sa relation difficile avec son costume occupe d’ailleurs une bonne partie du livre. Elle a commencé par un moulage plutôt humiliant, suivi d’un unique essayage express avant une première utilisation dans le désert tunisien. Dans les années 70, transformer le Britannique en androïde prenait environ deux heures et le ramener parmi les humains nécessitait à peine moins de temps. Ainsi, Anthony Daniels passait environ huit heures par jour enfermé dans sa carapace de fibre de verre sans pouvoir s’asseoir, manger ou aller aux toilettes. L’acteur terminait ses journées couvert d’égratignures et d’ecchymoses, et les muscles endoloris.

PHOTO TONY KORODY, FOURNIE PAR LUCASFILM

Dans son costume de C-3PO, Anthony Daniels ne pouvait boire et respirer que par la petite fente vis-à-vis sa bouche.

« Le premier film a été hautement marquant et tous ces souvenirs sont dans ma tête, indique Anthony Daniels. Au fil des années, j’ai souvent raconté ces expériences lors de conférences, ce qui m’a aidé à les détailler très précisément dans le livre. »

En plus de la douleur physique, l’impact psychologique est grand. Lors du tournage d’A New Hope, on oublie souvent qu’il y a un humain à l’intérieur de C-3PO lorsque celui-ci reste immobile entre les prises. Anthony Daniels éprouve régulièrement une grande solitude. À la sortie du film, le public est tellement impressionné par le robot doré que bien des gens croient qu’il s’agit d’un véritable androïde. Les producteurs de Lucasfilm s’en réjouissent et laissent la rumeur courir. La performance physique de l’acteur est alors complètement ignorée et il n’accorde que très peu d’entrevues pour parler de son rôle, alors que ses collègues deviennent des stars internationales.

Je me suis senti mal et extrêmement rejeté à l’époque. Il y a eu des moments où je me suis demandé si je devais arrêter.

Anthony Daniels

« Cependant, j’aime le personnage, je suis payé pour le jouer et je sais qu’il fait plaisir à bien des gens. Je suis fier d’être resté avec lui. »

Une grande aventure

À plusieurs reprises, Anthony Daniels a cru que son aventure avec C-3PO était terminée. Au terme du tournage d’A New Hope, une suite était loin d’être assurée. Puis, après Return of the Jedi, ça semblait être terminé. Finalement, il y a eu une première série animée dans les années 80, puis la trilogie des années 2000, et la plus récente, qui s’est conclue en 2019. « Je n’éprouvais pas d’attachement émotionnel lors des deux premiers films, puis le temps a passé et il y a eu les deux autres trilogies, et à la fin, quand je me suis rendu compte que je devais faire mes adieux, c’était vraiment touchant, dit-il d’une voix chevrotante. Mon dernier jour était bien, mais triste aussi… Travailler avec J.J. [Abrams] a été extraordinaire ! »

PHOTO JONATHAN OLLEY, FOURNIE PAR LUCASFILM

Anthony Daniels accompagné de BB-8 lors du tournage de Star Wars – The Rise of Skywalker, sa plus belle expérience sur un plateau.

Anthony Daniels est le seul acteur qui a joué dans les 11 films de la série Star Wars – il a un rôle de figurant dans Solo – et il a été la voix de C-3PO à chacune des apparitions du personnage, que ce soit dans les dessins animés, les jeux vidéo ou la version radio de la trilogie originale.

Une de ses plus belles expériences est celle de l’animation de la tournée Star Wars – In Concert.

Je me souviens que je n’arrivais pas à contrôler la foule lors du spectacle à Montréal. Les applaudissements étaient si forts et généreux.

Anthony Daniels

« Dans les coulisses, on m’a donné un chandail de rugby [c’était celui du Canadien] et je ne savais pas trop quoi en faire. Ma femme m’a dit de le mettre et la foule a explosé quand je suis retourné sur la scène. »

Je suis C-3PO est divisé en 64 chapitres courts qui racontent principalement les tournages auxquels l’acteur a participé, scène par scène, y compris celui de l’effroyable Star Wars Holiday Special. On y trouve aussi d’excellentes anecdotes, dont celle où il raconte qu’il a failli être arrêté lors de la cérémonie des Oscars de 1978.

Anthony Daniels admet qu’il y a eu des moments très difficiles et des tensions. Il ne ménage pas ses critiques envers Richard Marquand, réalisateur de Return of the Jedi, Kenny Baker (R2-D2) et même George Lucas. « Ç’aurait pu être pire, mais je ne voulais pas écrire des choses qui puissent détruire l’amour que les gens ont pour la série. »

En écrivant sa biographie, celui qui a commencé sa carrière au théâtre s’est rendu compte que son parcours ressemblait à « un long voyage qui finit bien ».

« Tous les messages que j’ai reçus pour mon anniversaire et la vidéo envoyée par Lucasfilm m’ont rappelé une fois de plus à quel point mon travail a touché beaucoup de gens. Ils ont apparemment trouvé quelque chose qui leur plaît dans le personnage que j’ai créé à partir de l’idée de George [Lucas]. Mon interprétation est entrée en contact avec énormément de gens, y compris des personnes qui trouvent plus difficile d’habiter sur notre planète. Ils ont trouvé un ami en C-3PO et ça me fait me sentir bien. »

Sans rien réellement dévoiler, Anthony Daniels conclut l’entrevue en souhaitant qu’il y ait de nouvelles productions liées à C-3PO. Il fait ensuite un geste de la main par lequel il referme sa bouche telle une fermeture éclair. Il n’y a pas de doute, la Force sera toujours avec lui.

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Je suis C-3PO – Les souvenirs ne s’effacent pas, d’Anthony Daniels

Je suis C-3PO – Les souvenirs ne s’effacent pas
Anthony Daniels
Fantask
277 pages