Dans ce nouveau livre, son quatrième, l’autrice et artiste Sylvie Laliberté lève le voile sur ce qui grouille derrière l’apparente vie tranquille et rangée d’une famille de la classe moyenne.

Elle aborde, avec sa plume empreinte de candeur et d’un certain détachement qui cache une détresse sourde, le sujet de la maladie mentale, des tabous qui l’entourent et des apparences qu’on déguise pour qu’elle n’existe pas au grand jour.

Relatant sa propre histoire, elle écrit à son frère, qui vient de mourir subitement : « Mon frère, t’es mort. Je te l’écris, je ne sais pas si tu le sais : t’es vraiment mort. Je sais, c’est saugrenu. T’es tellement mort », exprime-t-elle au début de ce récit fragmenté en courts paragraphes où on sent que l’autrice se vide le cœur, en quelque sorte, dans un exercice cathartique qui veut aussi dénoncer une réalité qu’on passe trop souvent sous silence.

De page en page, en s’adressant à son frère et réalisant l’étrangeté de son absence désormais définitive, elle refait le chemin vers son enfance et ses souvenirs, vers leur père, brillant mathématicien cultivé qui, malgré ses crises psychotiques, avait réussi à garder secret son état en amenant sa famille à faire « comme si » tout allait bien.

Elle évoque ainsi comment son frère et elle ont dû porter le poids de cette dure réalité qu’il ne fallait pas nommer, devant préserver à leur corps défendant cette normalité imposée et les séquelles qu’ils en garderont. « Les gens en général, les normaux, les réguliers […] ne connaissent pas le pouvoir d’une personne qui ne va pas bien. Ils ne savent pas que les gens qui ne vont pas bien ont une mission : nous emporter avec eux, là où tout tangue et chavire. Notre père avait un superpouvoir : dissoudre la réalité. Et nous dissoudre un peu avec elle. »