Autrefois enseignant au primaire, Antoine Desjardins signe ici à La Peuplade un premier livre dense, composé de sept longues nouvelles.

L’écoanxiété traverse cet ouvrage porté par une écriture qui sait se faire imagée et percutante, alors que chaque personnage doit composer avec un monde en perte de sens, en proie à une frénésie incendiaire. Extinction des baleines noires, coyotes qui envahissent le quartier Ahuntsic, étalement urbain et déforestation, pesticides et oiseaux, maladie de l’orme : ici, crise environnementale et angoisse existentielle sont intimement liées, tels deux côtés d’une même médaille, dans un ouvrage qui pose des constats durs, mais essentiels, sur l’avenir de l’humain et de la planète.

« Ça sert à rien d’essayer de sauver la planète, les océans, la forêt amazonienne ou les koalas. Ce qu’il faut sauver… ce qu’il faut rétablir, soigner, rapiécer, c’est notre relation au monde dans lequel on vit trop souvent en surface, sans y être vraiment. Sauver notre relation à la nature, au vivant, parce que tout le reste en dépend », dit le personnage ultra-lucide de Louis dans la nouvelle Feu doux.

Les nouvelles ne sont pas toutes égales — la volonté de l’auteur d’informer sur des enjeux environnementaux, un objectif louable en soi, rend par moments la lecture plus aride. C’est lorsque la plume de Desjardins sort d’un certain didactisme et emprunte davantage à l’imaginaire et au symbolisme, qu’il évoque la mélancolie et la nostalgie devant un monde en perdition, mais aussi la douceur et l’amour profond que se portent les personnages, qu’elle sait le mieux se déployer, comme dans la nouvelle coup de poing À boire debout, qui ouvre le recueil.

Desjardins y met en scène un adolescent atteint de leucémie. Condamné à mourir, il passe le temps en écoutant à la radio les nouvelles d’un monde sur le déclin. À ses observations grinçantes et enveloppées de sarcasme sur sa plongée inexorable vers la mort font écho la fonte des glaces planétaire et un Québec inondé par une pluie diluvienne interminable qui cause dommages et ravages. Bref, une lecture qui invite à une certaine prise de conscience, mais sans tomber dans un ton moralisateur.

★★★½

Indice des feux

Antoine Desjardins

La Peuplade

360 pages