La grande poétesse Louise Labé (1524-1566), l’une des plus audacieuses ayant jamais existé, écrivait que « le plus grand plaisir qui soit après amour, c’est d’en parler ». On peut appliquer cela à la lecture, car la seule chose qui égale un peu le bonheur d’un grand livre est de partager ce bonheur. Depuis longtemps, je casse les oreilles de mon entourage avec des titres que je fourre dans un maximum de mains et que je dois souvent racheter. Les clubs de lecture n’existent pas pour rien ; on ne veut pas être seul dans son émoi.

En collaboration avec le Salon du livre de Montréal qui se termine dimanche, La Presse lance le concours « Mon livre de l’année », destiné aux élèves de 4e et de 5e secondaire, ainsi qu’aux étudiants du cégep et de l’université. Il s’agit de faire découvrir une lecture qui vous a fortement marqué en 2020 – une année très spéciale, on en convient – dans un texte de 500 à 700 mots. Deux textes gagnants seront publiés dans La Presse, entre autres cadeaux (stage en journalisme, une journée avec l’équipe du Salon du livre de Montréal l’an prochain, etc.).

J’aurai l’honneur de faire partie du jury en compagnie de la libraire et autrice Gabriella Kinté Garbeau, du directeur de l’édition aux Éditions La Presse, Pierre Cayouette, de l’autrice Rose-Aimée Automne T. Morin et de la coordonnatrice aux communications du Salon du livre de Montréal, Anabelle Gendron-Turcotte.

Je ne connais pas les préférences de mes distingués collègues, mais j’ai envie de donner quelques trucs aux futurs participants. Le premier et le plus important : ce n’est pas un travail scolaire. Un article en général fonctionne à l’envers d’un devoir traditionnel, avec l’introduction, le développement et la conclusion. On commence souvent un article par notre conclusion. Par exemple (et je vais grossir le trait exprès) : tel livre est le meilleur de tous les temps et voici pourquoi.

Ce que vous devez garder en tête est le désir de communiquer votre passion pour votre livre de l’année.

S’il vous faut pour cela user d’envolées folles, d’humour ou de comparaisons méchantes, il ne faut pas vous gêner. L’idée est d’éviter de faire seulement un résumé (on a la quatrième de couverture pour ça). On a envie, en finissant de lire vos textes, d’aller claquer la carte de crédit à la librairie ou de se dire « comment j’ai pu vivre jusqu’à présent sans avoir lu ça ? ».

En vérité, l’art de la critique est quelque chose de curieux, aussi éclaté que peuvent l’être les types de livres et de critiques. Le texte doit être une sorte de voyage dans l’expérience du lecteur avec un livre, et qui contient ce que tout voyage recèle : des surprises, des vertiges, des imprévus… et un peu de regrets au retour, peut-être. Mais certainement une transformation.

On ne revient pas intact d’un voyage, et cela est aussi vrai d’un livre. J’ai vécu ce genre d’aventure cette année avec le roman Ténèbre, de Paul Kawczak, paru en janvier à La Peuplade. Cette immersion dans la folie coloniale au Congo au XIXe siècle, qui va s’inscrire jusque dans la chair même des personnages, est une descente aux enfers paradoxalement d’une grande beauté. Des rêves nouveaux ont peuplé mes nuits pendant un bout de temps après.

J’ajouterais que lorsque la pandémie est arrivée, je suis tombée par hasard sur un vieux livre poussiéreux de ma bibliothèque, La peur en Occident, essai de Jean Delumeau. Le récit des ravages de la peste dans des siècles reculés m’a fait renouer avec le sentiment d’une histoire commune de l’humanité, et six mois après cette lecture éclairante, force est de constater que nous avons beau être en 2020, nous agissons de la même façon que nos ancêtres face aux calamités. Il y a souvent du déni et de la stupidité, mais toujours du courage. Bizarrement, ça m’a rassurée.

Votre livre de l’année peut être un recueil de poésie, un roman, un essai ou une bande dessinée, ce qui compte est l’effet qu’il vous a procuré. Il faut être capable d’abord de nommer les choses pour soi avant de pouvoir les transmettre.

Pourquoi ai-je été bouleversé ? Pourquoi ce livre me hante-t-il ? Pourquoi tous les autres livres me semblent-ils ennuyeux après celui-là ? Pourquoi est-ce que je ne vois plus le monde comme avant (c’est quelque chose qui peut arriver, je vous jure) ?

Un mot d’ordre : soyez contagieux. En cette année épidémique, le virus de la lecture est le seul qui ne fait aucune victime et qu’on souhaite le plus répandu possible.

La date limite pour soumettre vos textes est le 15 février 2021.

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