Lorsqu’il quitte sa demeure des Laurentides pour venir à Montréal, Marc Hervieux fait souvent un détour par Hochelaga-Maisonneuve. C’est là que tout a commencé pour lui. Là que le chanteur lyrique se connecte à ses racines et mesure l’ampleur de son parcours. Ce quartier ouvrier, tel qu’il s’anime dans ses souvenirs, est bien la preuve que rien n’est impossible. Même publier un livre, lorsque rien ne le laissait présager…

Hochelaga-Maisonneuve lui a donné ses premières chances et cette conviction que tout est accessible à qui le veut bien. « Moi, en 3année, j’écrivais une pièce de théâtre, je faisais les costumes, je me donnais le premier rôle, puis je demandais à la direction de la présenter devant l’école, se souvient-il avec amusement. Et les choses se mettaient en place. J’ai eu cette chance d’avoir des gens qui ont cru en moi et qui ont modifié le cours de ma vie. »

Tout était pourtant loin d’être écrit d’avance. On le lui a répété maintes fois : chanter sur les plus grandes scènes du monde est un rêve inatteignable pour un adolescent de milieu modeste. Son père, ouvrier du Faubourg à m’lasse, craignait qu’il ne finisse à l’usine, tout comme lui, en choisissant un métier que l’on exerce plutôt comme passe-temps. En bon fils, il l’a d’abord écouté en devenant graphiste. Mais à son décès, il a eu envie d’essayer. Il n’a jamais regretté cette audace, évidemment.

« Je me suis toujours donné la possibilité de faire ce que je veux dans la vie. Je comprends que certaines personnes aient besoin de respecter un cadre. Mais avec ma personnalité, si on m’avait contraint à être autrement, j’aurais été malheureux, pense-t-il. Je devais me permettre d’explorer et de vérifier mes capacités par moi-même. »

Le premier trac

Quand Marc Hervieux a une idée en tête, il est fort probable qu’elle se concrétise. Ce fut le cas pour Bon vivant !, son tout premier livre dans lequel il marie ses souvenirs personnels aux mélodies et recettes qu’elles évoquent chez lui. L’idée lui est venue il y a quatre ans, et fut instantanément acceptée par la maison Flammarion, à son grand étonnement. Il a pourtant repoussé le projet d’une année à l’autre, évoquant chaque fois le manque de temps. Jusqu’à ce que la pandémie le prive de tout argument.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Marc Hervieux : « Je ne pensais jamais publier un livre dans ma vie. C’est une réalisation qui me fait vraiment plaisir »

« Je ne pensais jamais publier un livre dans ma vie. C’est une réalisation qui me fait vraiment plaisir », soutient-il, en avouant avoir ressenti une gêne à écrire. « Je ne connais pas beaucoup d’insécurité dans ma vie. C’est drôle à dire, mais je n’ai pas le trac quand je monte sur scène. Mais là, je l’ai eu. Je n’avais jamais écrit que de petites choses », avoue-t-il humblement. Une fois les premières appréhensions passées, il a toutefois plongé dans le projet tout entier.

Bon vivant ! nous fait cheminer sur un parcours rocambolesque, qui s’amorce notamment avec les saveurs de son enfance au chalet familial racheté à La Poune, et se poursuit aux quatre coins du monde. Un périple impressionnant qui sent bon le pot-au-feu, le Boston cream pie ou les pasta subito de Luciano Pavarotti, et se termine sur des envolées de Ravel, Bizet ou Michel Legrand. Les odeurs de pains chauds, dont il a perfectionné la confection en confinement pour « ses amours » (sa femme et ses trois filles), ferment le dernier chapitre.

« C’est un exercice teinté d’une certaine nostalgie, indique Marc Hervieux, qui sort simultanément un album intitulé Nostalgia. Au début de la pandémie, je voyais mes enfants avoir accès à tout sur l’internet. Je me suis demandé : moi, qui ai 52 ans, comment j’aurais vécu cette crise enfant ? Tout ce que j’aurais eu, ce sont les disques de mes parents et un stéréo en bois. »

PHOTO FOURNIE PAR LA COMPAGNIE DE DISQUE

Nostalgia, de Marc Hervieux

Sans accès à ce qu’il y a de mieux ou de pire ailleurs, il a vécu son enfance dans cette « réalité unique » : modeste, certes, mais heureuse. C’est cette chaleur qu’il a voulu transposer à travers des plats et des suggestions musicales qui réconfortent dans son livre, et en musique dans son dixième opus en carrière.

Une nature épicurieuse

Le titre du livre lui est venu sans hésitation. Ceux qui le connaissent le savent bien, dit-il. « C’est une nature, c’est la vie qui m’a donné ça. Le verre, pour moi, est toujours à moitié plein. Je suis bon vivant. » Et comme pour tout épicurien, bonne bouffe et bonne musique vont de pair avec la compagnie. « J’aime cuisiner, j’aime recevoir et je suis fidèle en amitié. Chez moi, à l’Halloween, on est normalement 80 dans la maison ! »

Une musique, autant qu’une recette, s’apprécie avec le corps, estime le ténor. Pas avec un statut social ou des connaissances. « Quand j’ai commencé, on était encore dans cette ère d’élitisme des chanteurs d’opéra et de la musique classique. Ça prenait un décorum pour absolument tout. Moi, j’ai envie de transmettre cette musique au plus de gens possible. Quand on me dit : j’ai écouté cette musique à cause de vous, ça me fait un plaisir immense. Je ne m’en suis pas fait une mission. Je suis juste chanceux de pouvoir répandre la musique comme j’en ai envie et comme je le sens : simplement. »

À la fin de son livre, le bon vivant prend deux pas de recul. « Je vois que parfois, j’ai fait des choses qui étaient dans le mille pour moi. À d’autres occasions, je me suis trompé. Mais je l’ai essayé. » Le soir, quand il se couche, assure-t-il, il est en paix. Marc Hervieux est sans remords. Sans regrets.

Dans le cadre des activités du Salon du livre, Marc Hervieux offrira des séances de rencontres virtuelles du 12 au 20 novembre

Il participera aussi à l’activité Confidences d’écrivain, le samedi 14 novembre à 15 h 30

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

Bon vivant !, de Marc Hervieux

Bon vivant !
Marc Hervieux
Flammarion Québec
224 pages