Le titre est provocant à souhait, le propos, tout autant. Dans Moi les hommes, je les déteste, la Française Pauline Harmange témoigne de l’immense lassitude des féministes qui en ont marre de devoir « éduquer » les hommes à l’égalité entre les sexes, en plus de se charger de tout le reste. Basta !

Au départ, c’était un livre presque confidentiel, publié dans une minuscule maison d’édition. Mais le titre à lui seul a inquiété un fonctionnaire français qui a tenté d’en interdire la publication. Résultat : une attention médiatique inespérée, la réédition dans une grande maison d’édition (Seuil) et une tournée promotionnelle au-delà des frontières de la France. Un gros merci au fonctionnaire, donc. Jointe à Paris, l’auteure nous parle de son essai controversé.

Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

Ça faisait longtemps que l’idée mijotait. Tout a commencé par un billet de blogue dans lequel je parlais de la fatigue de mes amies féministes et de la mienne, de notre lassitude à l’endroit des hommes qui, malgré tous nos efforts, ne changent pas. Parce qu’ils ne sont pas agresseurs, les hommes se disent non-sexistes et c’est vrai même chez les plus bienveillants. Or, le sexisme, c’est bien plus complexe que ça. C’est un système qui opère de manière parfois invisible. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas agressé une femme qu’on n’est pas sexiste.

Le titre de votre essai renvoie à un cliché, celui que les féministes détestent les hommes. Pourquoi l’avoir choisi ?

J’ai choisi ce titre parce qu’il était provocateur et humoristique. L’objectif, c’était de prendre l’accusation de misandrie qu’on lance toujours aux féministes et de se la réapproprier. On dit souvent aux féministes : vous répondez à la misogynie par la misandrie, ce n’est guère mieux. Mais détester les hommes, ça ne vient pas avec la même charge que détester les femmes. La misogynie se traduit par un climat d’agressivité à l’endroit des femmes, par de la violence, par des viols, des meurtres. On ne parle pas du tout de la même chose.

Dès le début du livre, vous précisez que vous vivez avec un homme. Ça rassure les gens ?

(Rires) Oui. En fait, je ne voulais pas passer pour une hypocrite. Je suis en amour et en couple avec une personne, et il se trouve que cette personne est un homme. Je jugeais que je devais être honnête et le dire.

On parle beaucoup de crise de la masculinité ces temps-ci. On dit que les hommes ont perdu leurs repères, qu’ils ne savent plus où se situer par rapport aux femmes. Qu’en pensez-vous ?

Chaque fois que les voix des femmes sont audibles, il y a une prétendue crise de masculinité. C’est décevant. Si seulement il y avait une réelle remise en question de la part des hommes, mais là, c’est juste une crise de « ouiiin ouiiin », du pleurnichage. C’est l’expression de la paresse des hommes qui refusent de se remettre véritablement en question.

Il y a tout de même des hommes qui se disent féministes. Qu’en pensez-vous ?

Je refuse de les croire sur parole. Dans la plupart des cas, les hommes qui se prétendent féministes le font pour se donner une belle image. Ce n’est pas leur place, c’est un combat qui ne leur appartient pas. Ils peuvent être solidaires du combat des femmes, mais ils ne peuvent pas se dire féministes.

PHOTO FOURNIE PAR SEUIL

Moi les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange

Si les féministes jettent l’éponge et que les hommes n’évoluent pas, c’est l’impasse, non ? Comment en sortir ?

L’éducation des hommes est une perte de temps pour les femmes, elles ont suffisamment de choses à gérer comme ça sans en plus porter sur leurs épaules la responsabilité de l’évolution des hommes. Je ne peux qu’espérer que les hommes soient obligés de bouger par eux-mêmes quand ils verront que les femmes se désintéressent d’eux, de leur bien-être, de leur confort. Un jour, ils n’auront plus d’autre choix que de changer.

Moi les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange, éditions du Seuil, 90 pages.