Quelques suggestions de bandes dessinées à découvrir.

Kent State — Quatre morts dans l’Ohio : autopsie d’une tragédie

4 mai 1970. Une manifestation contre la guerre du Viêtnam à Kent State University, en Ohio, tourne au drame quand quatre manifestants, âgés de 19 et 20 ans, sont tués par la Garde nationale. Neil Young s’est inspiré de ces tristes évènements pour composer la magnifique chanson Ohio et voici que Derf Backderf en tire un bijou de bande dessinée.

Le bédéiste avait 10 ans à l’époque des faits. Il a vu sa ville traversée par des troupes armées et a gardé un souvenir douloureux du dénouement de ces quatre journées de confrontation entre forces de l’ordre et étudiants. Pour cet album, il s’est livré à un véritable travail journalistique, a interviewé des personnes ayant participé à la manifestation, a consulté des tonnes d’archives. Trois ans de travail ont été nécessaires pour mener à terme cet ambitieux projet.

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Kent State — Quatre morts dans l’Ohio, de Derf Backderf

Les efforts de Derf Backderf n’ont pas été vains. Kent State est un album poignant, une enquête dessinée extrêmement fouillée, où le récit de la vie des quatre victimes est entrecoupé d’informations historiques. On y apprend à quel point les dirigeants de l’époque, le président Nixon en tête, craignaient plus que tout une révolution de la jeunesse. L’incompétence des responsables locaux, l’épuisement des soldats, le contexte social explosif alimenté par cette guerre sale qui n’en finissait plus et qui envoyait des milliers de jeunes hommes au bûcher… Tous les ingrédients étaient en place pour que se joue sur la pelouse du campus de Kent State la plus effroyable des tragédies.

★★★★

Kent State — Quatre morts dans l’Ohio. De Derf Backderf. Çà et là. 288 pages.

Le département des théories fumeuses : la science du rire

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Extrait du Département des théories fumeuses

Avec son humour décalé et son coup de crayon impitoyable, l’Écossais Tom Gauld est le dessinateur chouchou de plusieurs grandes publications internationales, du The Guardian au New York Times. Cet album à l’italienne rassemble des planches publiées dans New Scientist avec comme matière première la science, sous toutes les coutures. Gauld mêle avec brio les disciplines et les époques, saupoudrant le tout de références diverses à la culture populaire. Trop sérieux, l’univers des particules et des lois immuables ? Pas chez Gauld, pour qui la pomme de Newton, le chat de Schrödinger ou la veste en tweed d’Einstein sont autant de prétextes à la rigolade.

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Le Département des théories fumeuses, de Tom Gauld

Ces perles d’humour absurde feront sourire même ceux pour qui les sciences restent une matière obscure. D’ailleurs, le professeur Burp de Gotlib ne déparerait pas dans cette galerie de scientifiques pas toujours des plus rigoureux…

★★★½

Le département des théories fumeuses. De Tom Gauld. Alto. 160 pages.

Tanz ! : danse, Uli, danse…

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Extrait de Tanz !

Parce que le gris de novembre risque de peser encore plus lourd cette année, voici une bande dessinée vitaminée où les couleurs explosent à chaque page, à chaque case. Nous sommes en 1957, dans une Allemagne encore meurtrie par la guerre. Uli, jeune danseur à la Folkwang, peine à trouver sa place dans le formalisme de la prestigieuse école de danse allemande. Il rêve de Fred Astaire, de comédies musicales, de Broadway… Lors d’un voyage à Berlin, un amant américain, Anthony, lui propose de le suivre à New York. Uli traversera ainsi l’Atlantique pour poursuivre son rêve dans cette ville de tous les possibles.

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Tanz !, de Maurane Mazars

Avec son trait souple et expressif, son utilisation fougueuse de la couleur, Maurane Mazars propose, pour son deuxième album en carrière, une œuvre graphique très aboutie, qui n’est pas sans rappeler le style tourbillonnant de Brecht Evens (Les rigoles). À travers la danse et les corps en mouvement, c’est toute une époque (avec ses ombres et sa lumière) que la bédéiste française réussit à dépeindre. Une signature graphique forte qui laisse entrevoir de belles choses pour l’avenir.

★★★½

Tanz ! De Maurane Mazars. Le Lombard. 248 pages.

Bootblack Tome 2 : combat intérieur

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Extrait de Bootblack — Tome 2

Ancien cireur de chaussures dans les rues de New York, Al Chrysler a passé les 10 dernières années de son existence derrière les barreaux pour s’être acoquiné avec le crime organisé. À sa sortie de prison, l’Amérique vient tout juste d’entrer en guerre contre l’Allemagne… et ses anciens ennemis ne l’ont pas oublié. C’est donc sur le front, et sous les obus, qu’il tentera de redonner du sens à son existence. Mais ses vieux fantômes lui laisseront-ils cette ultime chance ? La rédemption est-elle possible lorsqu’on a tué un homme de ses mains et que l’amour semble à jamais perdu ?

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Bootblack – Tome 2, de Mikaël

Le bédéiste Mikaël clôt ce deuxième diptyque new-yorkais (après Giant) avec un album presque onirique, fortement axé sur la quête intérieure de son protagoniste. Ce choix est fort bien servi graphiquement par les cadrages cinématographiques et les noirs profonds du Québécois d’adoption. Mikaël, dit-on, compte planter son prochain titre dans Harlem. New York n’a donc pas fini de l’inspirer, et c’est tant mieux.

★★★

Bootblack Tome 2. De Mikaël. Dargaud. 64 pages.