Le prolifique auteur et dramaturge Simon Boulerice revisite trois moments de sa vie dans Pleurer au fond des mascottes, récit d’autofiction dans lequel on découvre qu’un Simon peut en cacher plusieurs autres… mais pas toujours. Il nous en a parlé, en six thèmes.

Mascottes

Dans ce livre au titre intrigant, on apprend donc que Simon Boulerice a souvent occupé comme emploi celui d’animateur de mascotte. « Le truc drôle, aussi, c’est que je suis vraiment entré dans l’UDA en incarnant la boule de Loto-Québec pendant un été ! » Pour Simon Boulerice, la mascotte est « l’incarnation parfaite du câlin », et il en a toujours aimé le côté « féérique et sucré ». « Sa job, c’est de serrer les gens dans ses bras et de les émerveiller. Mais ce qui me fascine, le paradoxe, c’est que tout le monde la voit, mais personne ne sait qui se trouve à l’intérieur. » S’il aimait voir sans être vu, il aimait aussi être le centre d’intérêt. « Ça fait partie de ma personnalité, qui est assez multiple. Dans le lot, il y a un gars qui aime attirer un peu l’attention et faire sourire, et aussi être en mouvement. La mascotte est dans un élan et cet élan, je l’aime. En même temps, aujourd’hui, quand j’en vois une, j’ai surtout de l’empathie. Je me dis : ah, mon Dieu, il doit avoir chaud ! J’ai beaucoup de compassion pour les mascottes. »

Joie

Par son sourire et son enthousiasme communicatifs, Simon Boulerice incarne une sorte de joie pure qui fait du bien. Il en est conscient et préfère d’ailleurs le mot joie à celui de plaisir, qui a quelque chose d’un peu « nombriliste ». « La joie est plus créative et tournée vers le partage. C’est un de mes atouts dans la vie. Il y a autre chose derrière, bien sûr, mais cette joie est sincère, et je pense que ça tient au fait que je n’essaie pas de tout contrôler. J’ai comme un lâcher-prise qui me sert beaucoup. » S’il revendique une profondeur à sa capacité d’émerveillement, il ne s’identifie pas non plus à l’image du clown triste. « L’image du clown triste est intéressante, mais un peu galvaudée. En fait, je la trouve réductrice. J’ai plutôt envie de dire : le clown est parfois triste. Derrière ce sourire tout à fait sincère ou cette cascade de rires, il y a aussi mille chagrins et désarrois, qui ne font pas ombrage à la joie. Tout ça cohabite. »

Repères

Question d’étoffer son récit, Simon Boulerice l’a émaillé de citations d’auteurs qui, dans sa vie, lui ont servi d’ancrage. « J’aime que tu utilises le mot ancrage, surtout qu’à l’École de théâtre, on m’a beaucoup reproché d’être trop aérien… Pour moi, c’est des fondations, dont Jean Cocteau fait partie, au même titre que Whitney Houston ! » Simon Boulerice aime le mélange des genres, un pied dans la culture pop et l’autre chez les intellectuels, et il ne voit aucune contradiction dans cette cohabitation. « Je peux incarner une mascotte et avoir du plaisir en dansant sur une chanson des Pussycat Dolls, et pendant ma pause lire un livre de Violette Leduc. Ça participe de ce que je suis. » Dans le même ordre d’idées, il peut citer Michel Tournier puis Noël Moisan, qui a incarné le premier Bonhomme Carnaval, en les traitant sur un pied d’égalité. « J’aime cette complexité qui flirte avec l’essai. Je viens de finir Maquillée, de Daphné B, j’aime tellement son dosage entre l’essai et l’intimité ! J’aime les gens qui se permettent d’être hybrides, un peu queer, le refus des étiquettes. Ça me plaît d’être délinquant, de ne pas m’en tenir qu’à un seul format. »

Enfance

Connu beaucoup pour son travail en théâtre et en littérature jeunesse, Simon Boulerice est proche de son enfance. Il avoue en avoir un souvenir pratiquement intact. « Pour moi, c’est un atout, le fait que mon enfance soit à fleur de peau. Mais j’ai toujours un malaise quand on me dit que j’ai gardé mon cœur d’enfant. J’ai préservé beaucoup de candeur, mais j’ai quand même le cœur d’un gars de 38 ans. Je suis dans mon présent. » S’il estime porter « tous les âges », l’enfance est pour lui le terreau le plus fertile. « Les plus grands chagrins, contradictions, déceptions, questionnements, je les ai eus enfant et adolescent. » Devient-on un meilleur adulte si on reste proche de son enfance ? « On est un adulte plus dense, plus compact parce que plus chargé. Je pense que ça me rend plus solide parce que j’ai de la tendresse envers ce que j’ai été. » C’est beaucoup parce qu’il était très solitaire qu’il se souvient de tout aujourd’hui. « J’étais beaucoup dans la contemplation, alors j’avais le loisir de tout analyser. J’ai emmagasiné du stock pour toute une vie ! Le matériau est tellement clair pour moi, et ce n’est pas douloureux, aller là. »

Théâtre

Quand l’éditrice Danielle Laurin lui a proposé de faire un livre mettant en lumière trois moments marquants de sa vie, Simon Boulerice a sauté sur l’occasion. « Ça faisait longtemps que je voulais écrire sur l’arrivée du théâtre dans ma vie, sur ces années hyper formatrices et douloureuses, pour montrer comment ça a transformé ma nature. » Il était « né pour l’obscurité », dit-il dans le livre, la rencontre avec le théâtre au secondaire lui a fait découvrir un autre Simon, capable de s’allumer sous les projecteurs et même de sortir de sa solitude. « C’est comme si le théâtre m’avait pris par la main. » Il parle aussi de sa formation en théâtre au cégep, pas toujours facile – « personne ne passe à travers ça comme un poisson dans l’eau » –, mais qui lui a permis de se définir et de « multiplier son identité ». « Ça a ajouté des couches à ce que j’étais. » Par exemple, il a perdu le stress de parler en public, lui qui, enfant, faisait un exposé oral comme s’il allait à l’abattoir. « Le petit garçon que j’ai été, il ne pourrait pas comprendre ce que je suis devenu. »

Présence médiatique

En plus de l’entendre régulièrement à la radio, on voit de plus en plus Simon Boulerice à la télévision. Il admet qu’il y a eu un tournant il y a environ deux ans, et que depuis, il est dans un tourbillon. « Je peux comprendre que pour certains, on me voit beaucoup, mais plein de gens me découvrent encore. » Son enthousiasme y est probablement pour quelque chose, par rapport à d’autres invités qui peuvent avoir l’air de s’ennuyer. « C’est un privilège de passer à la télé, si on t’offre une tribune, prends-la intelligemment, mais aussi dans la joie ! » Lui, en tout cas, entend l’utiliser de manière constructive en parlant de culture et d’œuvres qui le font vibrer, et il aime se voir dans le rôle de transmetteur. « J’ai adoré Johanne Fontaine et Catherine Bégin, auxquelles je dédie le livre, pour leurs qualités de passeuses de passion. J’espère faire partie de ces gens capables de prendre le spotlight pour eux puis de le partager. C’est la moindre des choses, moi qui ai tant voulu avoir un peu de lumière, de ne pas toute la garder pour moi. »

IMAGE FOURNIE PAR QUÉBEC AMÉRIQUE

Pleurer au fond des mascottes, de Simon Boulerice

Pleurer au fond des mascottes, de Simon Boulerice. Québec Amérique. 185 pages.