Quelques suggestions de bandes dessinées.

Minimax : scène locale

La nouvelle maison d’édition québécoise entièrement consacrée à la bédé, Nouvelle Adresse, vient de faire paraître une première œuvre remarquable de François Donatien, qui met en vedette une jeune punkette surnommée Minimax (elle s’appelle Maxim Boudelle), étudiante à la maîtrise qui travaille chez un disquaire, bosse sur un premier roman et chante pour un groupe nihiliste baptisé Les graines.

L’auteur et illustrateur montréalais, qui a fait des études en cinéma (comme le bédéiste Samuel Cantin !), se sert de ce cadre pour aborder le thème du passage à l’âge d’adulte, avec son lot de renoncements et ses tiraillements intérieurs pour conserver (une partie) de ses idéaux.

  • Image tirée de Minimax

    IMAGE FOURNIE PAR NOUVELLE ADRESSE

    Image tirée de Minimax

  • Image tirée de Minimax

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    Image tirée de Minimax

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Tout ceci à travers des petites scènes du quotidien, parfois franchement hilares. Illustré en noir dans un style underground des années 1960, qui rappelle les dessins de l’Américain Derf Backderf, l’album de François Donatien explore à la fois la relation de son héroïne à lunettes avec ses parents (sa mère artiste indifférente à ses accomplissements, autant que son père en dépression, reclus), mais aussi avec ses amis, et même avec son ex-amoureux, Alex, qu’elle pourchasse dans une scène joliment absurde pour avoir des explications sur les raisons de leur rupture.

Tout cela sur fond de musiques punk et alternatives, le bédéiste ne boudant pas son plaisir de « placer » des pièces musicales dans son scénario, que ce soit lorsque Minimax débat avec ses amis de l’adaptation de Raw Power, par David Bowie, ou lorsqu’elle pète un plomb en découvrant qu’un de ses amants ne connaît pas la pièce Surfin Bird, des Trashmen.

Un album divertissant, campé dans les rues de Montréal — on reconnaît aussi le parc Jarry —, dans le lequel on retrouve avec plaisir toute la fantaisie de notre scène locale et ce qu’il reste (ou pas) de notre jeunesse.

★★★½

Minimax. François Donatien. Nouvelle Adresse. 132 pages.

Vent mauvais : vent de changements

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Couverture de Vent mauvais

Crise de la cinquantaine qui approche. Ça passe, il paraît... Mais pour Béranger, père divorcé de deux adolescentes et scénariste de cinéma qui a signé son seul succès il y a 15 ans, la crise est aiguë.

Le Parisien décide donc de s’installer à la campagne, dans une maison qui donne sur un champ d’éoliennes. Or, le mouvement incessant de leurs pales immenses a de quoi rendre fou... surtout quand le reste de votre existence déraille.

IMAGE FOURNIE PAR RUE DE SÈVRES

Image tirée de Vent mauvais

La Suissesse Cati Baur propose un album tout en tendresse, où les petits bonheurs de la vie (le Scrabble ou un vieux chien) arrivent à gommer pour quelques instants des souffrances plus grandes.

Cette chronique de la vie rurale se déploie joliment au fil des saisons, grâce aux planches lumineuses de la bédéiste qui sait faire évoluer à la fois ses ambiances et la psychologie de ses personnages.

Un album apaisant sans être superficiel pour autant, puisqu’on aborde ici des sujets importants, tels les défis de l’adolescence ou l’acceptation de la différence.

★★★½

Vent mauvais. Cati Baur. Rue de Sèvres. 194 pages.

Knock out ! : les fantômes du passé

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Couverture de Knock out !

L’album du bédéiste allemand Reinhard Kleist est sorti cet été dans le contexte restrictif des approvisionnements liés à la pandémie, mais il est maintenant disponible et il mérite qu’on s’y attarde. Kleist, qui a signé deux biopics par le passé (sur Johnny Cash et Nick Cave), s’intéresse cette fois au boxeur Emile Griffith, champion du monde des poids mi-moyens et moyens dans les années 1960.

Né dans une île des Caraïbes, Griffith émigre aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Il travaille dans une fabrique de chapeaux pour femmes lorsque le propriétaire (M. Albert) l’encourage à se lancer dans la boxe — vu son physique athlétique.

IMAGE FOURNIE PAR CASTERMAN

Image tirée de Knock Out !

Kleist centre son récit sur l’évènement qui a marqué la carrière de ce rare boxeur gai : son troisième combat contre Benny Paret. Durant ce combat tristement célèbre, Griffith s’est déchaîné sur Paret (qui l’aurait traité de tantouze sur le ring), le mettant K.-O. debout.

L’arbitre avait d’ailleurs été sévèrement critiqué pour ne pas avoir arrêté le combat, Paret ayant reçu (sans véritablement se défendre) une vingtaine de coups au visage, avant de perdre connaissance.

Il est mort 10 jours plus tard, plongeant Griffith dans une profonde dépression. Kleist revient sur le parcours de ce Noir gai américain qui prenait plaisir à confectionner des chapeaux pour femmes et à cette carrière de boxeur inattendue. Une histoire fascinante où le fantôme de Paret apparaît à la fin de la vie de Griffith.

★★★½

Knock out ! Reinhard Kleist. Casterman. 146 pages.

Vous avez détruit la beauté du monde : une étude présentée sous forme de BD

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Couverture de Vous avez détruit la beauté du monde

Voilà un objet littéraire étonnant qui mérite que tous les amoureux des sciences humaines s’y attardent. Une équipe de chercheurs de l’Université d’Ottawa a effectué une vaste recherche sur la façon dont les Québécois qui se suicident ont scénarisé leur passage à l’acte et sur les dernières impressions qu’ils ont voulu laisser derrière eux.

Sujet sensible, s’il en est, mais vu ici par la lorgnette de la science. À partir des archives du coroner du Québec — qui contenaient les dossiers de près de 20 000 personnes dont la mort s’étend de 1763 à 1986 —, les chercheurs ont pu dégager des tendances, observer des phénomènes sociologiques.

IMAGE FOURNIE PAR MOELLE GRAPHIK

Image tirée de Vous avez détruit la beauté du monde

Ils ont aussi isolé certaines histoires, notamment celle de la poétesse Huguette Gaulin, qui s’est suicidée en public en criant la célèbre phrase « Vous avez détruit la beauté du monde ».

Un album qui nourrit la réflexion comme il touche le cœur, porté par les illustrations sobres de Christian Quesnel.

★★★½

Vous avez détruit la beauté du monde. Isabelle Perreault, Christian Quesnel et autres. Moelle Graphik. 70 pages.