Après le spectacle, le livre. Dans Cœur vintage, la comédienne Émilie Bibeau nous fait découvrir sa relation intime aux textes et aux auteurs qui comptent pour elle. Son livre est une lettre d’amour à la littérature, écrite avec intelligence et humour.

« Ce n’est pas un roman, ni une pièce de théâtre, c’est un carnet intime, un baume auquel tu retournes pour te faire du bien. »

C’est en ces mots qu’Émilie Bibeau nous décrit le livre qu’elle a lancé mercredi, compagnon du formidable spectacle qu’elle présentait à La Licorne il y a deux ans déjà.

Ce spectacle, c’est Cœur vintage, un work in progress qui a débuté sous forme de chroniques au micro de l’émission Plus on est de fous, plus on lit, animée par Marie-Louise Arsenault sur les ondes d'ICI Première.

« L’envie d’écrire s’est manifestée à la mi-trentaine, raconte Émilie Bibeau, rencontrée dans son jardin par une magnifique matinée ensoleillée de septembre. J’étais à un moment de ma vie où j’avais envie d’une résilience qui serait artistique.

L’autofiction peut être snobée ou vue comme impudique, mais c’est une porte d’entrée vers l’écriture qui permet de parler de l’expérience humaine.

Émilie Bibeau

Et l’expérience humaine, c’est ce qui nous lie. Et ce qui fait que le livre d’Émilie Bibeau trouvera sans doute écho chez bien des gens.

Les mots qui guérissent

Dans Cœur vintage, écrit il y a cinq ans, Émilie Bibeau nous racontait les hauts et les bas de sa vie amoureuse, ses rencontres décevantes, ce célibat qui lui pesait. Aujourd’hui heureuse en couple, elle ne renie absolument pas cette période. « Ce que j’ai écrit à ce moment-là a constitué ce que je suis aujourd’hui, dit-elle. Il ne faut pas avoir peur de montrer ses failles, de bien nommer les choses. Les mots des autres m’ont aidée à mieux nommer ce que je vivais. »

De Flaubert à Avec pas d’casque en passant par Simone de Beauvoir, Alain de Botton ou Julian Barnes, la comédienne a puisé du réconfort un peu partout. Sa palette est riche et remplie de nuances.

« Notre époque est beaucoup dans le bien-être : le yoga, la bonne alimentation... Mais on oublie le côté intellectuel de tout ça. J’avais envie de parler du bien-être que peuvent nous procurer les mots et je voulais le faire avec beaucoup d’humour et d’autodérision, c’était fondamental. »

Émilie Bibeau nous entraîne donc dans un périple hyper intime où les mots viennent panser des plaies ou illuminer la grisaille. « Les mots des autres sont salvateurs, ils me réconfortent et m’aident à vivre », insiste celle qui aime bien plonger dans l’ouvrage de Jean-Marc Piotte, Les grands penseurs du monde, à la recherche de réponses à ses nombreuses interrogations. « Dans les moments de crise, je retourne toujours à ce livre, affirme-t-elle. La philo nous offre un recul, elle relativise, elle soulage l’angoisse. »

Et puis, comment résister à l’humour noir d’un Cioran qui écrit : « Ne nous suicidons pas tout de suite, il reste encore quelqu’un à décevoir »... ?

La fille de son père

Cœur vintage est donc truffé d’exemples authentiques et sincères qui ont « vraiment » accompagné Émilie Bibeau, dans des moments lumineux comme dans des moments plus sombres. « J’aime la bulle que ça me procure, dit-elle. J’entre dans chaque univers en me disant que c’est un univers qui pourrait me changer. »

Il y avait aussi la notion de partage qui était primordiale pour cette fille de professeur de littérature au cégep de Limoilou. « Quand j’étais plus jeune, mon père me parlait avec passion des figures de style, se souvient-elle en riant. Enseigner la littérature, c’était mon plan B si le Conservatoire n’avait pas fonctionné. Je trouve ça beau et noble, ce que fait mon père. »

La pomme n’est pas tombée très loin de l’arbre, puisque ce carnet fait aussi œuvre utile en transmettant, à sa façon, l’amour de la littérature. « J’aime l’idée que ça devienne un objet intime et précieux », dit Émilie Bibeau. Pari réussi. Cœur vintage est à la fois fin et lumineux, avec de la profondeur. Comme son auteure.

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

Cœur vintage, d'Émilie Bibeau, illustrations : Valérie Darveau, chez Cardinal, 79 pages