Attendu au printemps, le nouveau Grégoire Delacourt est l’un des titres importants de la rentrée française cet automne. L’écrivain à succès (La liste de mes envies, On ne voyait que le bonheur, etc.) écrit dans les marges de la crise des Gilets jaunes dans Un jour viendra couleur d’orange, qui se veut aussi un roman d’amour aux contours utopistes sur la fin d’un monde et la nécessité d’en faire naître un autre.

Le récit s’ouvre sur fond de ras-le-bol : Pierre et ses amis répondent à l’appel à manifester contre une taxe qui augmente le prix du carburant. La France « d’en bas », déjà malmenée par les fermetures d’usines qui saignent les régions, n’en peut plus. Révolutionnaire par la force des choses, Pierre réclame « juste une vie juste ».

Sa révolte, il la vit en marge de sa famille. Après le coup de foudre qui l’a soudé à Louise, son couple s’est désagrégé. Pierre vit mal la différence de leur fils, Geoffroy, 13 ans, qui est loin à l’intérieur de lui-même, ne se laisse pas toucher, fait des crises. Le garçon ne s’ouvrira qu’au contact de Djamila, adolescente qui tente d’échapper à la prison que veulent lui imposer ses frères poussés vers l’islam radical par trop d’injustices.

Grégoire Delacourt ambitionne de donner dans le roman social avec ce récit qui effleure à la fois les inégalités, le racisme systémique envers les Français d’origine arabe et la peur de la différence (l’autisme de Geoffroy). Contrairement à un Houellebecq, qui nomme les maux avec un sans-gêne qui frise la provocation, il pose sur sa société un regard plein d’empathie… et d’un romantisme très bien-pensant.

Sa plume dessine bien des joliesses, mais on ne peut s’empêcher de tiquer devant le décalage perçu entre les milieux et les personnages dépeints, et le ton professoral de l’écrivain qui étale sa culture (le personnage de Geoffroy lui en donne le prétexte) et donne trop souvent l’impression de garder ses distances. D’où cette impression d’un récit où les choses sont plaquées et qui, au bout du compte, ramène au statu quo.

★★★

Un jour viendra couleur d’orange. Grégoire Delacourt. Grasset. 272 pages.