Dans la foulée de la nouvelle vague de dénonciations d’inconduites, l’appel d’un groupe de femmes et de minorités de genre réclamant de meilleures pratiques dans le milieu littéraire a déjà un impact, tant dans les organismes que les maisons d’édition.

Dans une longue lettre envoyée mercredi, les 156 signataires, autrices et actrices de la chaîne du livre, constatent que « les violences à caractère sexuel » dans le milieu littéraire sont « répandues, protéiformes, banalisées et tacitement acceptées ». Elles ciblent la culture du silence, les problèmes structurels et la précarité comme principales causes.

Le groupe s’était d’abord formé dans le but d’échanger et de mettre en commun des témoignages, qui n’ont pas été rendus publics.

Jeudi après-midi, la maison d’édition Le Quartanier a déclaré sur les réseaux sociaux que « certaines dénonciations touchent des personnes associées au Quartanier ».

« Nous croyons les victimes et agirons dans leur intérêt et celui de notre communauté. Nous prendrons dans chaque cas les mesures qui s’imposent », écrit l’équipe du Quartanier.

« Nous avons écrit aux autrices et aux auteurs qui publient chez nous, ainsi qu’à nos collaborateurs et à nos collaboratrices, pour exprimer notre solidarité et notre volonté d’être un lieu de création et de travail sécuritaire, bienveillant et non discriminatoire. Nous voulons agir de manière réfléchie et préparons des actions concrètes qui toucheront l’ensemble du fonctionnement de la maison. »

Dans sa lettre, le groupe de signataires énumérait d’ailleurs toute une série de demandes visant à rendre le milieu littéraire plus sécuritaire et égalitaire. Elles réclament des « actions réparatrices claires, concrètes et transparentes », qui vont de la parité sur les jurys, comités de travail et directions littéraires à une révision du financement en passant par des ateliers d’éducation et de l’ajout de clauses éthiques dans les contrats d’édition.

Des organisations ont déjà donné leur appui à cette lettre. Directement interpelée, l’Union des écrivaines et écrivains du Québec (UNEQ) a demandé à son comité spécial sur la parité et l’égalité femmes-hommes d’étudier dans le détail les propositions.

« L’UNEQ donnera à ce comité, qui pourra être élargi au besoin afin d’y inclure les expertises indispensables, les moyens nécessaires pour émettre des recommandations dans un délai raisonnable et pouvoir très vite passer à la mise en place de mesures structurantes », dit-on dans un communiqué.

L’UNEQ en profite pour déplorer « l’absence d’encadrement législatif des conditions de travail des écrivaines et écrivains », qui reste une des principales sources de déséquilibre dans le milieu.

« Que faudra-t-il pour que les écrivaines et écrivains québécois puissent bénéficier, comme des milliers d’autres artistes, de la protection légale qu’ils/elles méritent ? » interroge le directeur général de l’UNEQ, Laurent Dubois. « Pourquoi est-ce si compliqué d’accepter que les relations professionnelles qui existent entre les artistes que nous représentons et les différents acteurs de la chaine du livre soient négociées, encadrées, protégées ? Il nous manque aujourd’hui, plus que jamais, une Loi sur le statut de l’artiste qui nous permette de ne pas laisser seules et seuls les écrivaines et écrivains tout au long de leur carrière, et qui contraigne les maisons d’édition à appliquer des conditions de travail saines et sécuritaires. »

L’Association des libraires du Québec (ALQ) a aussi annoncé qu’elle passerait à l’action, avec entre autres l’application d’une politique de tolérance zéro dans ses événements et l’instauration de la parité dans le comité de sélection du Prix des libraires et sur son conseil d’administration.

« Cette nouvelle vague de dénonciations, qui n’épargne pas notre milieu et qui ne devrait en épargner aucun, démontre clairement un désir de changement profond et souhaitable, a écrit dans un communiqué le président de l’ALQ, Éric Simard. Par ce mouvement, une partie de la population est en train de dire non aux abus de toutes sortes, dans un système établi qui a la plupart du temps protégé le pouvoir en place au détriment des victimes. »