On imagine aisément la fulgurance d’une explosion atomique. Le souffle létal. Les milliards de morceaux de bois, d’acier, de verre, de briques éparpillés sur des kilomètres à la ronde. Les cris inhumains des victimes dont il ne reste qu’une ombre radioactive pulvérisée sur un mur.

Or, dans ce roman, Robert Oppenheimer, ce physicien américain baptisé le « père de la bombe atomique », nous est présenté dans l’exact contraire de ces évocations cataclysmiques. Écrit au « il », tout en intériorité, traversé même de quelques extraits de Bhagavad-gītā que le personnage rumine intérieurement, cet ouvrage touffu est celui des méditations et des réflexions d’un homme confronté non seulement à l’impact de ses recherches, mais aussi à sa propre histoire. Parce qu’il a ses interrogations, Oppenheimer. À cheval, dans la beauté aride des montagnes du Nouveau-Mexique, il réfléchit à sa jeunesse, son rapport aux femmes, sa place dans l’univers.

L’écriture est souvent, et habilement, ramenée au mouvement de l’atome ou à ses effets destructeurs. Comme ici, lorsque sa maîtresse refuse sa troisième demande en mariage : « Son “non” final était à la fois énorme et microscopique […] et ils ne se percutèrent plus jamais avec la même intensité ». Déconstruit dans sa chronologie, le roman est d’une grande justesse dans l’énumération d’éléments biographiques et géographiques associés à la vie d’Oppenheimer.