C’est un étrange récit d’émancipation, non dénué de qualités, mais quelque peu inconsistant, que propose Alexandra Tremblay avec ce premier roman.

L’histoire se déroule à notre époque, dans la petite ville de Colombier, sur la Côte-Nord, et met en scène deux personnages aux noms excentriques, Häxan et Léo-Lune. La première, narratrice principale de l’histoire, est une adolescente qui tente de contrer l’ennui mortel de son existence en se construisant une personnalité d’artiste « New Age » mystérieuse et marginale avec son « rouge à lèvres vert et des autocollants holographiques sous les yeux ». « J’étais une enfant spéciale, j’en étais certaine », ajoute cette Lana Del Rey en devenir qui se dit « post-toute chose, car il n’y [a] rien à inventer » et n’a qu’une envie : déménager à Montréal.

Son désœuvrement trouvera écho chez Léo-Lune, jeune homme perdu débarqué de la métropole qui s’entichera de Häxan et qui traîne partout avec lui une caméra VHS avec laquelle il filme compulsivement « son processus de disparition du monde », alors que Häxan, elle, est obsédée par celle qu’elle appelle « la sorcière de Colombier ». L’épidémie de VHS raconte leur histoire d’amour fusionnelle et malsaine, alors que, chacun à leur façon, les deux tentent de fuir un monde anxiogène dominé par la technologie en se tournant vers l’analogique et la nature, porteurs de nostalgie et d’une certaine innocence.

Raconté au « je », le récit bascule parfois au « tu » et dirige alors sa narration vers Léo-Lune, mais ces passages ont surtout pour effet de rendre le récit plus confus. La langue est nerveuse, souvent imagée – parfois de façon un peu trop appuyée – et enfile les références hétéroclites jusqu’à en donner le tournis, témoin d’un monde en perte de repères, alors que la Côte-Nord prend des airs tantôt mystérieux et oniriques, tantôt carrément inquiétants et glauques. Malheureusement, c’est parfois trop appuyé et maladroit et, au fil des pages, notre intérêt pour cette histoire qui tourne un peu en rond s’étiole.