L’actrice et chanteuse Chloé Sainte-Marie a déposé un texte très touchant, intitulé Message à l’humanité aidante, sur le site de la Fondation Maison Gilles-Carle. Il y est question d’aidantes et d’aidés, « en ces temps nébuleux où le monde vient de basculer ».

Nous sommes
nous les aidantes
la petite lumière qui résiste
Le feu-pilote
qui reste allumé
lorsque tout paraît éteint

« Le texte n’est pas de moi, mais du poète Jean Morisset, avec qui je travaille pour mon prochain album. Je lui ai donné la matière pour qu’il puisse écrire un poème sur le rôle, le sort, le désespoir, mais aussi l’espoir des aidantes », explique l’interprète au téléphone.

Chloé Sainte-Marie est devenue la voix des proches aidants après avoir veillé pendant 17 ans sur son conjoint, le cinéaste Gilles Carle, atteint de la maladie de Parkinson. Elle connaît bien le poids qui pèse sur les épaules des proches aidants, qui sont, comme elle le rappelle, surtout des aidantes.

« Avec l’arrivée de la pandémie, la tragédie est encore pire pour les aidantes naturelles que pour les autres, dit-elle. Elles sont 1,6 million au Québec. Le danger est grand pour elles : isolement, détresse psychologique, épuisement. Elles n’arrivent plus à trouver du personnel, car les gens se protègent du virus. Aussi, celles qui avaient comme répit les centres de jour ou les hébergements temporaires n’y ont plus accès. Elles sont laissées à elles-mêmes. »

« Avant même la pandémie, les aidantes connaissaient déjà la réalité de la quarantaine, ajoute l’interprète. J’en sais quelque chose. Quand tu deviens aidante, les amis s’éloignent, la famille s’éloigne. Tu te jettes sur ceux qui restent. Mais même les rares qui restaient ne peuvent plus aider désormais… Les problèmes, l’isolement ; tout est centuplé. Les tâches sont aussi plus lourdes, avec tous les efforts, tout le rituel de désinfection imposé par la pandémie. »

Crainte de la maladie

À l’isolement forcé s’ajoute une crainte bien réelle de contracter le coronavirus. « Si c’est le cas, les aidantes ont peur de perdre le peu de ressources encore disponibles, comme celles du CLSC. » Pire encore, elles craignent de voir l’aidé prendre le chemin de l’hôpital ou du CHSLD, où les visites sont interdites. Plusieurs aidants vivent déjà cette situation déchirante, incapables qu’ils sont de visiter un parent, un conjoint « ou un enfant handicapé intellectuel ou autiste, par exemple – qui est dans une ressource spécialisée ».

« Pour eux, les contacts sont rompus, surtout quand on sait que plusieurs aidantes ou personnes aînées ne disposent pas d’un ordinateur pour faciliter la communication pendant la pandémie. Les liens, même virtuels, font du bien… »

L’impact sur les aidantes est total. Elles sont les plus touchées et les plus oubliées. On oublie que leur aide permet de désengorger les hôpitaux et tout le système de santé.

Chloé Sainte-Marie

Depuis plusieurs années, Chloé Sainte-Marie demande qu’une aide financière soit accordée directement aux aidantes naturelles. « Il faut qu’elles aient une aide pour leur dévouement. Peut-être qu’avec la crise actuelle, on comprendra à quel point elles sont essentielles à notre service de santé ? Pour l’instant, on prévoit de l’aide aux entreprises, au système de santé, mais on oublie les aidantes… »

« Déjà, avant la pandémie, on savait que 60 % des aidantes meurent avant la personne malade. Et voilà qu’elles ont encore moins d’aide… »

Des mots qui aident

Pour dénoncer les injustices ou mettre un baume sur les plaies des aidantes, Chloé Sainte-Marie ne dispose que de ses mots et de ceux de ses amis poètes, dont elle a abondamment chanté les vers. « Je passe par la poésie, par la beauté, pour dire des choses. La poésie a sauvé ma vie. Sans elle, je n’aurais pas pu veiller sur Gilles Carle pendant toutes ces années. C’est ce qui nous manque présentement le plus, la poésie, pour donner une autre dimension aux choses. »

« Il n’y a que les mots qui peuvent aider. Ce poème est un message d’espoir qui dit que l’aidante est là, même quand tout semble mort. Que c’est possible de s’en sortir. »

Pour traverser « ces temps nébuleux », comme dit le poème, elle suggère la lecture de l’œuvre de Saint-Denys-Garneau, « dont les poèmes sont tellement spirituels ».

« L’outil le plus essentiel quand on n’a ni médicament ni réponses à nos questions, c’est la prière ou la poésie, qui sont la même chose… »

Lisez le poème en entier