(Paris) Le dessinateur Albert Uderzo, créateur avec René Goscinny du célèbre personnage de bande dessinée Astérix, astucieux Gaulois, monument de la culture et de l’identité française depuis plus de 60 ans, est décédé mardi à l’âge de 92 ans.

« Albert Uderzo est mort dans son sommeil à son domicile à Neuilly, d’une crise cardiaque sans lien avec le coronavirus. Il était très fatigué depuis plusieurs semaines », a indiqué son gendre Bernard de Choisy à l’AFP.

Le décès du dessinateur a été confirmé par Aymar du Chatenet, président de l’Institut René Goscinny, et son ancien éditeur Dargaud.

Dessinateur génial, mais modeste, Uderzo avait, avec son compère Goscinny décédé en 1977, créé un mythe connu de tous les Français et bien au-delà dans le monde. Depuis sa retraite, les derniers albums des aventures d’Astérix et de son compère Obélix étaient composés par d’autres artistes, fidèles au style et à la patte Uderzo.

Né avec douze doigts, daltonien, rêvant de devenir clown, Albert Uderzo n’était pas spécialement destiné à devenir dessinateur même si son talent pour le dessin fut remarqué dès la maternelle.

Depuis les débuts il y a près de 60 ans, les albums d’Astérix se sont écoulés à 380 millions d’exemplaires en 111 langues, contre 240 millions pour Tintin, autre monument de la BD.

L’œuvre a été déclinée au cinéma, en dessin animé, parc d’attractions, jouets, jeux vidéo...

Même s’il n’était plus dessiné depuis 2011 par Uderzo, qui avait passé la main à des dessinateurs plus jeunes, Astérix reste une figure tutélaire en France, toutes générations confondues. Le 38e album, La fille de Vercingétorix, par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, a été le livre le plus vendu en 2019 en France, et de loin. Il est logiquement le personnage de BD préféré des Français, selon un sondage de 2015.

« Gaulois réfractaires »

Le petit Gaulois à moustaches, son gros copain Obélix doté d’une force surhumaine, et tous les habitants du village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur romain, à coups de baffes monumentales et de menhirs lancés sur des légionnaires dépassés, font partie de l’ADN français.

Comme l’a résumé la maire de Paris Anne Hidalgo dans son hommage sur Twitter, Astérix et ses pères sont « dans toutes nos maisons ».

Tout le monde connaît, de près ou de loin, la potion magique, Abraracourcix, Idefix, tous ces personnages aux noms en « ix » bâtis sur des jeux de mots, et dont les aventures ont épousé les évolutions de la société, invitant dans les cases des personnages célèbres, comme Jacques Chirac en haut fonctionnaire romain ou Kirk Douglas en gladiateur révolté.

Quand le président Emmanuel Macron fustige en 2018 les Français, « Gaulois réfractaires » au changement qu’il veut instaurer en France, c’est à ces personnages bagarreurs et indisciplinés que cela renvoie, cette tendance française à la contestation de l’ordre établi, l’esprit de clocher, la résistance à ce qui est présenté comme inexorable.

À l’annonce de son décès, programmes télé et grilles radio ont été bouleversés pour diffuser des adaptations de l’œuvre et les hommages se sont multipliés sur les réseaux sociaux, dans le monde francophone et au-delà.

Illustration d’hommage, pour les dessinateurs Riad Sattouf ou Zep. L’Écossais Mark Millar rendait hommage au « maître » tandis que le Jordanien Omar Momani saluait, « mon artiste préféré de tous les temps ».

« Un de mes plus grands regrets culinaires est que je n’arriverai jamais à manger un sanglier comme il les dessinait dans Astérix », se désolait sur Twitter l’humoriste britannique Chris Addison.

« La mort d’un enchanteur », titrait le quotidien suisse Le Temps.