Quel étrange et fascinant recueil de nouvelles que nous donne à lire Melissa Bull, Montréalaise qui est aussi traductrice et éditrice.

D’abord paru en anglais sous le titre The Knockoff Eclipse, voici que sa traduction française, Éclipse électrique, atterrit en librairies. De longueurs variables, la plupart des nouvelles sont très courtes — parfois à peine quatre pages — et déploient un spectre d’univers bigarrés, portés par des voix narratives tout aussi variées. Rien d’extraordinaire ne s’y produit bien souvent, et on entre dans la nouvelle comme si on attrapait au vol les pensées du personnage, à un instant aléatoire de son existence, pour la quitter de la même façon, sans qu’il y ait bien souvent de dénouement précis à l’histoire racontée. Ancrés dans un Montréal où français et anglais s’affrontent, se mêlent et se fracassent l’un à l’autre, ces fragments fulgurants du quotidien, que l’autrice sait bien évoquer grâce à des descriptions précises et vives, sont à la fois banals et teintés d’étrangeté.

Tout en dessinant les contours de mondes qui semblent familiers, Bull enveloppe ses récits d’onirisme ou d’un sentiment de surréel, où la réalité des choses semble toujours fuyante, sur le point de basculer : une femme qui rêve qu’elle donne naissance à son propre cœur, « mort-né » ; des cambrioleurs qui fuient une maison, effrayés par des poupées de porcelaine qui semblent animées de leur vie propre ; une jeune femme, entièrement rasée, portant une robe futuriste illuminée où s’affichent des messages séducteurs dans un bar… C’est lorsqu’elle altère ainsi le réel que l’écriture de Bull a le plus d’impact.

Éclipse électique, Melissa Bull, traduit de l'anglais par Benoit Laflamme, Boréal, 248 pages

★★★½