L’an dernier, à la suite de la publication de son roman Anna et l’enfant-vieillard, Francine Ruel parlait de « faire le deuil d’un enfant vivant ». C’est aussi le thème, dans un contexte fort différent, cela dit, du dernier roman de Constance Debré. Dans cette autofiction, l’autrice de Playboy raconte comment son ex-mari lui a retiré la garde de son fils après qu’elle lui a annoncé son homosexualité.

Dans une langue épurée et précise, Debré raconte la longue séparation d’avec son petit garçon : ça commence par la réaction violente du père, puis ses manigances pour détruire la réputation de son ex, allant même jusqu’à citer le contenu de sa bibliothèque (des auteurs homosexuels, imaginez !). Constance Debré, ancienne avocate issue d’une grande famille française (son grand-père Michel Debré a été premier ministre sous de Gaulle), se voit désormais forcée de rencontrer son fils sous supervision. Toutes ses tentatives pour organiser des sorties et des rencontres sont anéanties par le père, qui manipule les tribunaux et annule les rendez-vous à la dernière minute, en toute impunité.

Pour ne pas sombrer, la narratrice nage tous les jours. Sinon, elle se réfugie dans son petit appartement de 9 mètres carrés pour écrire. Elle n’a plus un sou. Mais on comprend que plus elle se libère de ses biens matériels et plus elle s’approche de l’essentiel. À la fin, elle mène une vie d’ascète. Une vie séparée en deux : la mère d’un côté, l’amante qui découvre les filles de l’autre. Debré raconte cette suite d’aventures sans lendemain sans émotion, un peu comme on dresse un inventaire.

Mais comment créer des liens quand on est en train de se détacher de la relation la plus importante de sa vie ? Constance Debré pose d’ailleurs une question très frontale : devrait-on considérer la relation avec notre enfant comme n’importe quelle autre relation amoureuse, c’est-à-dire qui peut avoir une fin ?

Voilà un immense tabou que l’autrice n’a pas peur d’affronter. Non pas pour provoquer, mais bien pour aller jusqu’au bout de sa douloureuse réflexion.

Avec son écriture dépouillée et rythmée, Constance Debré marche dans les pas de Christine Angot. Elle n’écrit pas pour plaire, mais pour dire, même quand c’est indicible.

C’est parfois difficile à lire, mais on salue le courage de cette femme qui remet tout en question, même si ça fait mal.

★★★★

Love Me Tender. Constance Debré. Flammarion. 192 pages.