Munyal… Sois patiente. C’est ce qu’on intime aux femmes du roman de Djaïli Amadou Amal. Ton mari te trompe, te crache au visage, te bat ou te viole ? Sois patiente. Les choses vont s’arranger. Redouble d’efforts pour lui plaire. Ne le contredis pas. Réponds à ses moindres caprices. S’il te bat encore, c’est que tu n’as pas fait suffisamment d’efforts…

Dans Les impatientes, trois femmes peules racontent leur quotidien étouffant dans une société sahélienne où les femmes n’ont aucun droit.

Il y a Ramla, qui a fait des études, une exception. Elle est brillante, son père a accepté qu’elle épouse le jeune homme qu’elle aime, mais à la dernière minute, il change d’avis et la promet à un de ses partenaires d’affaires qui souhaite prendre une seconde femme. La très jeune Ramla – elle est encore adolescente – n’a pas un mot à dire.

Il y a Hindou, la sœur de Ramla. Tout le monde la croit soumise, mais son mariage à un cousin brutal révèle sa ténacité. Elle se sauve et se sauve encore, en vain. Elle ne fait qu’attiser la colère de son père et de ses tantes. Seule sa mère comprend son profond sentiment d’injustice et de révolte.

Puis il y a Safira, la plus âgée des trois femmes. La mi-trentaine, mais déjà si vieille, dans cette société où les femmes sont de la chair fraîche « élevée » comme du bétail pour répondre aux désirs des hommes. Safira est l’aînée. On exige d’elle la sagesse et la magnanimité. Elle voit l’arrivée de la seconde épouse de son mari (Ramla) d’un très mauvais œil. Elle fera tout pour conserver sa place et les privilèges qui l’accompagnent, surtout pour ses enfants qui pourraient perdre leur rang. Ésotérisme, mauvais sorts, potions magiques… Safira va loin, jusqu’à le regretter, mais son instinct de survie prend le dessus. La solidarité entre femmes est un luxe qu’elle ne peut pas se payer.

Ces trois récits sont racontés dans une écriture fluide, presque chatoyante. Le contraste entre l’environnement de ces trois femmes – les matières soyeuses qui les habillent, les bijoux en or, les parfums capiteux, le henné qui orne leur corps – et la brutalité des coups qu’elles reçoivent est toutefois très rude.

On ne saura jamais à quelle époque se déroule cette histoire. On sait seulement que Ramla prend l’avion à deux reprises pour aller à Paris et à Dubaï avec son mari. Pour le reste, aucun repère historique, aucune description de la vie qui entoure ces trois femmes, ce qui renforce l’impression d’étouffement ressentie par les trois narratrices qui vivent coupées du monde.

Les impatientes, publié une première fois en 2017 avant d’être réédité par une maison française, a obtenu le prix Orange du livre en Afrique en 2019. Il était également finaliste au prestigieux prix Goncourt. Mercredi dernier, il a finalement remporté le Goncourt des lycéens, une récompense amplement méritée pour ce livre à la fois terrible et magnifique.

★★★★

Les impatientes, de Djaïli Amadou Amal, Emmanuelle Collas, 240 pages