À l’heure où les dénonciations d’abus de toutes sortes pleuvent, et où les victimes règlent leurs comptes avec leurs bourreaux sur la place publique, Eve Ensler emprunte un chemin différent, déstabilisant même, pour parler de la violence qu’elle a subie.

Agressée sexuellement par son père dès l’âge de 5 ans, puis battue et torturée psychologiquement, la créatrice des Monologues du vagin est une survivante. Son père a littéralement tout fait pour la détruire, sans succès.

Ensler décrit dans le détail l’enfer qu’elle a vécu au sein d’une famille complètement passive, sous le joug d’un père sadique. Sauf qu’au lieu de parler du point de vue de la victime, l’autrice a choisi de raconter l’horreur du point de vue de l’agresseur.

Pardon est en effet la lettre d’excuse qu’Eve Ensler aurait aimé lire de la main de son père. Il ne l’a jamais écrite et ne l’écrira jamais puisqu’il est mort. Alors elle imagine ce que ce père tortionnaire pourrait lui dire aujourd’hui pour la libérer.

Dans une démarche d’empathie d’une générosité absolue, elle revisite l’histoire de ce père violent et sans pitié qui, jeune, a été victime des sévices psychologiques de ses parents. On imagine à peine ce que cet exercice d’écriture a dû représenter pour l’autrice. Elle n’épargne pas ce père monstrueux, mais elle tente tout de même de comprendre ce qui a pu l’habiter tout au long de son entreprise de destruction.

L’autrice ne minimise jamais les gestes posés — au contraire, elle leur redonne toute leur horreur et leur brutalité — mais il y a tout de même de la compassion dans sa démarche.

Après avoir ouvert un formidable canal de communication avec Les monologues du vagin, Eve Ensler dit vouloir aider les hommes à comprendre l’origine de leur violence et le mal qu’ils font autour d’eux.

L’empathie est une arme puissante, elle en fait ici une démonstration magistrale. 

★★★★

Le pardon, d’Ève Ensler, Denoël, 138 pages.