(Paris) Vanessa Springora s’est dite mercredi « très contente de la prise de conscience » provoquée par la publication de son livre accusateur sur sa relation sous emprise avec l’écrivain Gabriel Matzneff, désormais sous le coup d’une enquête pour viols sur mineur.

« Je suis très contente de la prise de conscience générale qui a eu lieu. C’est merveilleux qu’on puisse encore se remettre en question, pour toutes les personnes qui ont eu le courage de le faire, prendre conscience de ses erreurs, c’est très important », a déclaré la directrice des Éditions Julliard, invitée de l’émission La Grande Librairie sur France 5.

« C’est comme ça qu’on montre qu’on est humain et qu’on peut encore vivre tous ensemble », a-t-elle ajouté, à la fin d’un long entretien.

Dans Le Consentement, paru chez Grasset le 2 janvier, Vanessa Springora raconte comment elle a été séduite par Gabriel Matzneff à l’âge de 13 ans dans les années 1980 et les blessures que cette relation a laissées dans sa vie.  

PHOTO JACQUES DEMARTHON, ARCHIVES AFP

L’auteur Gabriel Matzneff

Son témoignage a mis sous les feux de l’actualité les pratiques pédocriminelles de l’écrivain aujourd’hui âgé de 83 ans et alimenté le débat sur les dysfonctionnements des institutions et la complaisance d’alors de certains milieux pour ces comportements.

L’ancien animateur Bernard Pivot, qui a invité Gabriel Matzneff dans ses émissions littéraires, l’interrogeant notamment sur un ton badin sur son attrait pour « les lycéennes et les minettes » en 1990, a regretté n’avoir pas eu à l’époque « les mots qu’il fallait ».

Frédéric Beigbeder, membre du jury du prix Renaudot, a reconnu que l’attribution de ce prix à l’écrivain en 2013 dans la catégorie essais avait été « maladroite ».

Les éditeurs Gallimard, La Table Ronde et Léo Scheer ont annoncé ces derniers jours qu’ils ne vendraient plus les journaux de l’écrivain.

Vanessa Springora n’a pas porté plainte pour ces faits aujourd’hui prescrits. Mais le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour viols sur mineurs de moins de 15 ans, au lendemain de la parution du Consentement.

« J’aurais publié ce livre il y a trois ou quatre ans, il n’aurait certainement pas eu le même impact », a jugé Vanessa Springora, citant pour « preuve » le fait que le Renaudot essai attribué à Gabriel Matzneff n’ait « ému absolument personne il y a à peine six ans ».

L’écrivaine attribue cette « écoute différente » au mouvement #metoo, qui « a entraîné une véritable révolution ». « On est passé à 180 degrés dans un autre monde ».

L’« onde de choc » provoquée par son récit la « réconcilie avec le livre », a-t-elle dit, car elle montre que « la littérature est encore capable de faire bouger la société ».

Vanessa Springora avait annulé à la dernière minute sa participation à La Grande Librairie mercredi dernier en raison du décès de son père.