(Paris) L’écrivaine française Emma Becker, 30 ans, a reçu mercredi en France le prix du roman des étudiants France Culture/Télérama pour La maison qui raconte son expérience de prostituée pendant deux ans dans une maison close berlinoise.

Quand on interroge la jeune femme sur ce choix radical, elle répond invariablement que c’est « la curiosité » qui l’a poussée à entrer, sous le pseudonyme de Justine (on remarque le clin d’œil à Sade), au Manège, un bordel assez glauque, puis à la Maison, une autre maison close qui, écrit-elle, avait « une âme ».

« J’y étais bien. Si la Maison n’avait pas fermé peut-être y serais-je encore », déclare la romancière. Elle était auteure de deux autres livres, Mr (2011, aux éditions Denoël) et Alice (2015, Denoël).

Les romans traitant de la prostitution sont légion. De Maupassant à Calaferte en passant par Zola et Kessel, la littérature a exploité ce sujet sous tous les angles, mais presque toujours du point de vue masculin.

Dans La maison (Éditions Flammarion), Emma Becker nous donne à voir et entendre celui des femmes. Le livre regorge de portraits sensibles, jamais mièvres, toujours bouleversants, de prostituées, « mes collègues », dit Emma Becker. Nous formons « une famille », assure-t-elle.

On décèle chez l’écrivaine une démarche de journaliste quand elle fait parler ses « collègues ». « Le problème avec ce métier, c’est qu’au bout d’un moment, ton corps ne sait plus quand tu fais semblant et quand tu sens vraiment quelque chose », explique ainsi Hildie, une des « collègues » de l’écrivaine.

La prostitution est légale en Allemagne.

Le récit d’Emma Becker (384 pages) est écrit dans une langue souvent crue, mais on est frappé par la délicatesse du style. On cherchera en vain, hélas, une critique des rapports de domination. Emma Becker préfère parler de la misère sexuelle des hommes, de l’extrême solitude des clients du bordel.

Et les femmes, ces « travailleuses du sexe » ? « Avec leur chair et leur infinie patience » elles œuvrent « pour le bien des individus qui composent cette société », écrit Emma Becker.

« Il n’y a aucune noblesse là-dedans, mais il s’y trouve des vérités poignantes comme on n’en trouve nulle part ailleurs, des témoignages de bonheur et des promesses de félicité… et il faut bien que quelqu’un en parle ».

Le jury du Prix du roman des étudiants était composé cette année de 1100 étudiants, avec le soutien de 18 librairies françaises indépendantes et la collaboration de 24 établissements universitaires.