(Stockholm) Deux membres du comité Nobel de littérature ont annoncé lundi leur démission, dont l’une dit refuser de placer « l’œuvre littéraire au-dessus de la politique », en référence au sacre de Peter Handke, critiqué pour ses positions proserbes pendant les guerres des années 1990 dans l’ex-Yougoslavie.

Kristoffer Leandoer et Gun-Britt Sundström ont tous deux fait connaître leur décision de ne plus participer aux travaux du comité Nobel de l’Académie suédoise pour lesquels ils avaient été nommés pour deux ans.

Leur démission, confirmée par l’Académie, survient un peu plus d’une semaine avant les cérémonies de remise des prix Nobel, le 10 décembre, jour anniversaire de la mort de l’industriel et mécène suédois Alfred Nobel.

Kristoffer Leandoer a indiqué qu’il n’avait pas « la patience » de suivre les réformes internes lancées par l’Académie après le scandale d’agressions sexuelles qui l’a fait imploser en 2017.

Gun-Britt Sundström a pour sa part invoqué, entre autres motifs, l’attribution du Nobel à Peter Handke.

Alors qu’elle se dit « heureuse » d’avoir participé à la désignation de la poétesse polonaise Olga Tokarczuk pour le prix 2018, elle se dit en revanche opposée au sacre de l’écrivain autrichien pour l’édition 2019.

« Le choix du lauréat 2019 ne s’est pas limité à récompenser une œuvre littéraire, mais a également été interprété, tant au sein qu’en dehors de l’Académie, comme une prise de position qui place la littérature au-dessus de la “politique” », a-t-elle écrit au journal Dagens Nyheter.

« Cette idéologie n’est pas la mienne », a-t-elle ajouté.

L’Académie suédoise avait annoncé en octobre la consécration de l’œuvre de Peter Handke, qualifié d’« héritier de Goethe », mais dont les positions proserbes pendant le conflit dans les Balkans dans les années 1990 avaient suscité de violentes polémiques par le passé.

Après le report de l’annonce du prix de littérature 2018 en raison d’un scandale #metoo, deux prix ont été annoncés cette année.

En 1996, un an après la fin des conflits en Bosnie et en Croatie, Peter Handke avait publié un pamphlet, Justice pour la Serbie, qui avait suscité la polémique.

L’auteur âgé de 76 ans, qui réside près de Paris, avait condamné en 1999 les bombardements occidentaux sur la Serbie, menés pour forcer Slobodan Milosevic, homme fort de Belgrade durant toute cette période, à retirer ses troupes du Kosovo.

Il s’était rendu en 2006 aux funérailles de Milosevic, décédé avant d’entendre son verdict pour crimes de guerre devant la justice internationale.

Kristoffer Leandoer et Gun-Britt Sundström étaient membres externes du comité Nobel de littérature de l’Académie suédoise, nommés pour accompagner le redressement de l’Académie après ses déboires de 2017, mais n’étaient pas membres permanents de l’institution.