Un écrivain se donne la mort. L’homme, qui était un grand séducteur, raconte la narratrice, était également professeur d’université. Face à la vieillesse et au déclin, il a choisi de précipiter sa sortie.

Il laisse derrière lui une épouse et deux « ex », ainsi que de très nombreuses conquêtes.
La narratrice était sa plus vieille amie, sa confidente, sa complice. Leur relation était sans équivoque.

Après les funérailles, l’« Épouse Numéro Trois » lui propose (pour ne pas dire lui impose) d’adopter le chien de son défunt mari, un grand danois du nom d’Apollon. La narratrice, écrivaine elle aussi, hésite : elle habite un minuscule appartement new-yorkais et, comme le veut le cliché à propos des écrivains, elle est plutôt chat que chien. Elle recueillera pourtant le molosse, qui prendra de plus en plus de place dans sa vie, au propre comme au figuré.
Le deuil unit ces deux êtres qui se soutiennent mutuellement. Le départ de l’écrivain a laissé un trou béant dans leur vie.

Malgré les apparences, L’ami n’est toutefois pas un roman animalier. Oui, on lit de très belles pages sur le pouvoir de la zoothérapie, et on est ému par la relation qui se développe entre la narratrice et Apollon, dont elle prendra soin jusqu’à la toute fin. Certaines frasques du grand danois nous font sourire ou carrément éclater de rire, comme lorsqu’il dévore le dernier livre de l’écrivain Karl Ove Knausgård, passage qui fera sans doute plaisir à tous ceux et celles qui trouvent cet écrivain norvégien absolument insupportable. Et ce n’est pas la seule pointe à l’endroit du milieu littéraire. Le roman contient plusieurs observations assassines sur le monde de l’édition.

Un texte magnifique sur l’amour

Au-delà de son lien avec Apollon, c’est surtout de sa relation avec l’écrivain que parle la narratrice. On comprend que cette amitié aura été la seule « relation de couple » durable dans sa vie.

L’ami est donc un texte magnifique sur l’amour, qui peut prendre diverses formes, sur l’amitié, ainsi que sur le long et douloureux processus du deuil. C’est aussi une réflexion sur la place de la littérature et le pouvoir consolateur (ou pas) de l’écriture.

Sigrid Nunez, peu connue du grand public, mais respectée dans les milieux littéraires, n’est pas une nouvelle venue. Elle avait 67 ans lorsqu’elle a remporté le National Book Award pour L’ami. Une femme à découvrir, d’autant plus qu’elle a également publié un portrait de son ex-belle-mère, Susan Sontag (Sempre Susan : A Memoir of Susan Sontag, 2011), un livre qui était passé sous le radar à l’époque. Son roman est sans contredit un de nos coups de cœur de l’automne.

★★★★

L’ami. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Bach. Stock