Jean-Yves Ferri et Didier Conrad ont livré hier leur quatrième aventure d’Astérix depuis qu’ils ont repris la série d’Albert Uderzo (en 2013). Ce 38e album, tiré à 5 millions d’exemplaires (dont 2 millions en France), fait la place belle aux ados et sème les jeux de mots à tout vent. Une histoire sympathique, même si l’humour y est souligné à très gros traits.

Deux ans après la course de chars en Italie (Astérix et la Transitalique), nous sommes de retour en Gaule, où Astérix et Obélix doivent protéger la fille du général Vercingétorix, défait par César durant le siège d’Alésia (une vraie bataille qui a eu lieu dans la région bourguignonne).

La fille unique de Vercingétorix (nom que tous les personnages chuchotent « parce que le général était discret sur sa vie privée ») est une rouquine gothe prénommée Adrénaline. Elle est confiée au village par les hommes de confiance de Vercingétorix : les chefs arvernes Monolitix et Ipocalorix, qui parlent ch’ti (pas sûr que les habitants d’Auvergne apprécieront).

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Planche du nouveau tome d’Asterix, La fille de Vercingétorix

Bref, la jeune fille qui porte le torque de son père (un collier honorifique) et qui est pourchassée par les troupes de Jules César, trouve refuge chez nos amis gaulois, en attendant que les deux chefs (qui se présentent comme « ses deux papas », parce qu’on est en 2019), organisent sa fuite à Londinium (Londres).

Mais la rouquine rebelle (« attention, elle fugue », nous avertit-on) ne paraît pas désireuse de venger son père. Elle se prend plutôt d’affection pour les garçons du poissonnier Ordralfabétix (Blinix et Surimix), de même qu’avec le fils du forgeron (Selfix), qui invente la casquette (un casque avec la visière rallongée, battement de tambour).

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Planche du nouveau tome d’Asterix, La fille de Vercingétorix

Ensemble, les ados du village « chilleront » ensemble (entre autres dans la carrière à menhirs), se saluant avec les poings (façon fist bump), dénonçant la surconsommation de sangliers (au grand déplaisir d’Obélix) et remettant même en question l’utilisation de la potion magique ! (« on sait même pas ce que le vieux met dedans ! »).

Les jeux de mots font sourire, c’est vrai, mais ils sont plantés partout et parfois même écrits en caractères gras comme cette réplique d’Ordralfabétix : « Tu veux le voir monter le thon ? » Quand il demande à son fils de gratter les moules, Blinix lui répond : « Mais papa, j’ai déjà beaucoup de bulots. » Mignon.

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Planche du nouveau tome d’Asterix, La fille de Vercingétorix

Histoire prévisible

L’intrigue s’articule autour du personnage d’Adictosérix (OK, elle est pas mal, celle-là), qui a trahi le général Vercingétorix et qui travaille à la solde de César pour retrouver (et capturer) Adrénaline, afin de lui donner une éducation romaine. Le guerrier arverne tentera donc de mettre la main sur la jeune fille, tandis que l’armée romaine patrouillera « vaguement » dans la région, n’ayant pas du tout envie de s’engager dans une autre guerre.

Adrénaline, qui rêve d’échouer sur une île de Cocagne, prendra la fuite (on s’y attendait) grâce à ses nouveaux amis. Elle sera ainsi poursuivie à la fois par Adictosérix, l’armée romaine et Astérix et Obélix… Rajoutez à cela la présence d’un bateau de pirates, et vous avez le portrait complet de cette aventure qui se déploie sur plusieurs fronts tout en étant archi prévisible.

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Planche du nouveau tome d’Asterix, La fille de Vercingétorix

L’idée d’explorer les personnages adolescents du village gaulois est assurémentbonne. On apprécie également l’audace de Ferri qui met en scène une jeune génération qui refuse en quelque sorte d’emboîter le pas guerrier à ceux qui l’on précédée, mais c’est comme s’il s’était arrêté dans son élan, craignant d’aller trop loin dans sa lecture des conflits intergénérationnels.

Bref, après avoir ouvert quelques pistes intéressantes sur l’actualité, le scénario reprend une forme classique et prévisible. Dommage.

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La fille de Vercingétorix

La vérité est que depuis 2013, seul l’album Le papyrus de César, qui jetait un regard critique (et mordant) sur le monde des médias et des réseaux sociaux, s’est véritablement démarqué de l’ère post-Uderzo.

La critique française, elle, est divisée. Certains, comme L’Obs, se sont réjouis d’un album qui « parle avec finesse de notre époque », voyant même dans le personnage d’Adrénaline une représentation de Greta Thunberg. D’autres, comme Libération y ont vu « un ratage complet dont on ne sait pas trop quoi sauver », y allant du titre assassin : « À se tailler les arvernes ». À vous (et à vos ados) de voir.

La fille de Vercingétorix. Jean-Yves Ferri et Didier Conrad. Éditions Albert René. 48 pages.