Des suggestions de bandes dessinées évaluées par notre journaliste.

MacGuffin & Alan Smithee : Opération Grande Zohra : l’aventure, c’est l’aventure !

C’est le nouveau duo d’agents secrets à suivre. Elle s’appelle MacGuffin (on ignore son prénom) tandis que lui, qui a des airs de Lino Ventura, répond au nom fictif d’Alan Smithee.

Dans le premier tome de cette série québécoise signée Michel Viau (scénariste de l’Affaire Delorme et rédacteur en chef du défunt magazine Safarir) et Ghyslain Duguay (au dessin), les deux agents européens de la S6 (Section spéciale de sécurité et des services secrets supranationaux) avaient réussi à empêcher le scientifique Charles P. Noths de fournir les plans de sa bombe au neptunium à l’ensemble des nations « pour rééquilibrer les forces mondiales ».

L’action se passait à Montréal, en pleine Expo 67 (dont on fêtait le 50e anniversaire en 2017). Dans le tome 2, le récit se passe durant ce même été.

Opération Grande Zohra débute le 16 juillet 1967, l’Expo bat son plein, mais cette fois, MacGuffin et Smithee (avec l’aide de l’agent québécois Alfred Morisset) doivent déjouer un attentat qui vise le général de Gaulle, qui se dirige vers le Québec (à bord du Colbert).

L’homme à neutraliser est le capitaine Druillac, à la tête d’un commando qui défend une Algérie française (contrairement à de Gaulle).

Cette nouvelle série à cheval entre les univers d’OSS117 et James Bond mélange parfaitement humour et aventure, tout en prenant un soin méticuleux à restituer les lieux historiques de la métropole.

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MacGuffin & Alan Smithee : Opération Grande Zohra

On (re)découvre ainsi avec délice le Montreal Pool Room (original), le parc La Fontaine, le métro de Montréal et, bien sûr, l’île Sainte-Hélène. Quant aux personnages de l’époque, on reconnaît par exemple le maire Jean Drapeau.

Tout le mystère entourant le micro branché grâce auquel le général de Gaulle a pu prononcer son célèbre « Vive le Québec libre » est joliment narré et illustré. Le troisième tome est déjà en préparation, nous souffle-t-on.

On verra donc si (et comment) Montréal continuera d’être le lieu de ces péripéties franchement divertissantes, qui n’ont pas ici d’équivalent.

★★★★

MacGuffin & Alan Smithee : Opération Grande Zohra. Michel Viau et Ghyslain Duguay. Perro BD, 64 pages.

Orwell : d’Eric Blair à Orwell

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Orwell

Coup de cœur pour ce magnifique album scénarisé par nul autre que Pierre Christin (Valérian, agent spatio-temporel), qui nous raconte la vie de l’écrivain George Orwell, né Eric Blair, dans une famille de la classe moyenne.

Une biographie fascinante où l’on retrouve des passages écrits par Orwell lui-même, qui s’imbriquent parfaitement dans le récit illustré par Verdier (avec la participation d’André Juillard, Olivier Balez, Manu Larcenet, Blutch, Juanjo Guarnido et Enki Bilal).

Comme si Orwell l’avait personnellement annoté. Il est question de sa naissance au Bengale en 1903 (son père travaillait pour le gouvernement anglais colonial), sa jeunesse en Angleterre (avec sa mère et ses sœurs), son passage à l’Académie Saint-Cyprian et à Eton, son travail dans la police birmane, puis ses débuts comme journaliste et écrivain.

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Orwell

Petit à petit, on découvre comment ce jeune homme à moustache, qui a multiplié les petits boulots pour survivre (entre autres comme plongeur), est devenu anticolonialiste et anticonformiste.

Comment, aussi, Orwell le reporter pratiquait ce qu’on appelle aujourd’hui le journalisme immersif. Mais surtout, comment il est devenu un écrivain politique, d’abord avec Le quai de Wigan, puis Hommage à la Catalogne, écrit après avoir combattu la dictature de Franco (en Espagne).

On le suit, enfin, après avoir couvert la Seconde Guerre mondiale (pour la BBC), dans l’écriture de ses deux ouvrages les plus célèbres : La ferme des animaux et bien sûr 1984, publié en 1948, deux ans avant sa mort (à 46 ans).

★★★★

Orwell. Pierre Christin et Sébastien Verdier. Dargaud.

L’Argentine : haletant, mais un brin opaque

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L’Argentine

On n’avait pas vu passer d’album d’Andreas Martens (Capricorne, Rork) depuis un bon moment.

Le voici qui ressurgit avec un nouveau récit aux lignes épurées, coloré par sa complice Isa Cochet. Malgré une entrée en matière un peu laborieuse, on finit par rassembler les pièces principales de L’Argentine.

L’action est centrée sur un conseiller secret du président français (Yvon D’Alayrac), dont la fille (surnommée Silver) a été kidnappée.

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L’Argentine

Le hic, c’est que la jeune fille de 16 ans, envoyée en Argentine, réapparaît deux jours plus tard, sans aucun souvenir de ce qui s’est passé.

Une agente du gouvernement s’emploie à démêler les fils, mais l’histoire est opaque. Pour des raisons nébuleuses, la mère de Silver est dans un coma depuis sa naissance. Son médecin Treda, ami personnel D’Alayrac, cache plusieurs secrets (c’est un vilain).

Pourquoi sa mère est-elle dans un coma depuis aussi longtemps ? Qu’est-ce qui se cache dans cette pièce emmurée ? Qui est ce colosse qui l’a appelé « Bébé » ?

S’ajoute l’ambassadeur argentin, qui est à la fois le complice et l’ennemi D’Alayrac. Bref, des mystères, il y en a à profusion.

Andreas nous tient en haleine pendant toute la durée de cette enquête, mais il ne parvient pas à éclaircir tout à fait l’intrigue, d’où une certaine frustration dans le dénouement.

★★★½

L’Argentine. Andreas & Isa Cochet. Futuropolis.

Comment le roi a perdu la tête : les délires du pouvoir

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Comment le roi a perdu la tête

Voici un album qui vous frisera (ou défrisera) les cheveux. Un ovni signé par le Finlandais Ville Matias Ranta, qui nous entraîne dans la vie de château d’un roi et de ses trois filles.

Un roi esseulé (qui couche avec une bouffonne, représentée comme la « folle du roi »), dont le château tombe en ruine.

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Comment le roi a perdu la tête

Nous sommes quelque part dans le Moyen Âge, mais les filles du roi ont des « smartphones » et notre roi, en quête d’aventures (mais surtout en quête de sens), se battra (mollement), tel un Mario Bros., pour sauver une princesse faite prisonnière par des dragons.

Formidable parodie du pouvoir, tout à fait dans l’esprit d’Ubu roi (qui vit pour le fric, la baise et la bouffe) ou des Monty Python pour cette quête insensée du Saint-Graal.

★★★

Comment le roi a perdu la tête. Ville Ranta. Çà et là, 174 pages.