Hekla rêve d’écrire. À 21 ans, la jeune femme quitte la ferme familiale pour Reykjavík, où elle souhaite se consacrer à sa passion. Nous sommes dans les années 60, la capitale islandaise ne compte même pas 200 000 âmes.

Une ville étouffante pour Hekla et ses amis : Isey, jeune maman débordée par les tâches domestiques, mais non moins animée par l’irrépressible besoin d’écrire elle aussi. Jon John, homosexuel à une époque où il est difficile de l’affirmer, surtout dans une si petite communauté. Trois jeunes adultes prisonniers des stéréotypes que la société leur impose : la femme-objet, la maternité, la virilité…

Comme le volcan dont elle porte le nom, Hekla semble endormie, mais menace d’entrer en éruption à tout moment. Les jours, elle les passe à travailler comme serveuse, mais les nuits sont entièrement consacrées à l’écriture.

On la harcèle afin qu’elle participe à un concours de beauté, car une femme, jolie de surcroît, ne peut prétendre au titre d’écrivain. La preuve : elle a déjà publié sous un pseudonyme et son livre jouit d’une réputation fort enviable, mais c’est son amoureux, surnommé simplement « le poète », qui s’approprie le rôle d’écrivain. Or, « le poète » passe plus de temps dans les cafés à discuter de littérature qu’à écrire. Comme il voudrait qu’elle lui prépare des repas et s’occupe de leur intérieur plutôt que de lui porter ombrage ! Car c’est Hekla qui a le talent, pas lui. Son ego de mâle ne le tolère pas.

À la fin, la jeune femme devra se résigner à quitter l’Islande pour pouvoir exister comme créatrice.

On devine qu’il y a une grande part autobiographique dans ce nouveau roman de l’excellente Auður Ava Ólafsdóttir. Comme un écho à Virginia Wolf, l’auteure de Rosa candida raconte avec pudeur la quête d’une « chambre à soi », cet espace pour exister en tant que femme ET artiste. Avec une langue à la fois simple et poétique, c’est toute la difficulté de créer au féminin qui est évoquée ici avec beaucoup de finesse et un soupçon d’humour. On s’en délecte à chaque page.

Miss Islande, d’Auður Ava Ólafsdóttir, traduit de l’islandais par Éric Boury, les Éditions Zulma, 3 étoiles et demie