Un huis clos anxiogène. Une atmosphère à glacer le sang. Une montagne d’une « impénétrable froideur » et d’une « puissance hostile ». C’est ainsi que nous harponne Tempêtes, le nouveau roman d’Andrée A. Michaud, un suspense sournoisement inquiétant dont l’aura nous poursuit un long moment après avoir refermé le livre. Et dont l’auteure a bien voulu nous parler lors de son passage à Montréal.

Tempêtes est un roman très noir, concède l’écrivaine. Le lieu sinistre imaginé par l’auteure de Bondrée, c’est le Massif bleu. Alias Cold Mountain. Un lieu que la protagoniste Marie Saintonge, qui s’y rend après le suicide de son oncle – un suicide auquel elle ne croit pas, d’ailleurs –, décrit, sous la plume poétique d’Andrée A. Michaud, comme « un grondement d’orgue dévalant la montagne telle une avalanche ».

Cette montagne existe vraiment, même si elle n’est pas aussi imposante que celle du roman – et en rien effrayante, souligne l’auteure. La vraie, elle, se trouve dans les environs de Saint-Sébastien de Frontenac, en Estrie, où elle habite.

« Quand on arrive à la montagne par la route, on la reçoit en plein visage, explique-t-elle. On a l’impression d’être avalé par la montagne. Je voulais écrire sur l’effet qu’elle produit sur moi. Quelle que soit la saison, elle est magnifique. C’est toujours un paysage qui m’impressionne. Je pourrais m’asseoir devant cette montagne et la regarder tout simplement. J’ai l’impression qu’elle a une vie. »

Tempêtes nous entraîne d’emblée dans un blizzard en plein mois de mars, assez violent pour bloquer les routes et isoler les habitants de la région. Minée par la peur, l’obscurité, le froid, Marie, les nerfs déjà à vif, perd la raison.

« La folie me fascine. J’aime m’interroger sur la folie des êtres humains, sur ce qui peut nous pousser à poser des gestes impardonnables, sur cette folie qui s’installe peu à peu à cause de petits éléments dans l’environnement qui brouillent tout à coup nos repères et nous font perdre pied. C’est ce qui se produit avec Marie Saintonge », confie l’écrivaine, fébrile et encore sous les effets du décalage horaire.

C’est que Mme Michaud revient tout juste d’Italie, où son roman Bondrée, paru en 2014, vient d’atterrir en librairie, rajoutant à une longue liste de prix et de conquêtes à l’étranger une traduction en italien (il est déjà traduit en anglais, en allemand, en espagnol, en tchèque et en arménien). Tempêtes, de son côté, pourrait bien connaître le même succès, alors que sa publication en France est déjà prévue pour janvier aux éditions Rivages.

Le plaisir de la peur

Ce récit d’une force implacable nous entraîne, comme tous ceux qui passent par Cold Mountain, dans une spirale de délire qui chatouille nos peurs souterraines et nos phobies les plus obscures. Andrée A. Michaud évoque le plaisir qu’on prend à se faire peur – elle aime lire Patrick Senécal et Stephen King.

Quand on est tout-petit, on aime avoir peur, tant qu’on sait que cette peur ne repose que sur des fantasmes. C’est un peu sur ce genre de peur que je travaille dans Tempêtes, la peur des manifestations qui nous échappent, qu’on ne peut pas comprendre…

Andrée A. Michaud

« Il y a toujours un jeu dans les romans d’horreur, les romans policiers, un jeu qui repose sur ce réseau de mystères où de petits détails vont créer et renforcer le mystère », ajoute-t-elle.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se passe de drôles de choses à Cold Mountain.

Sur l’autre versant de la montagne, à l’opposé de la forêt isolée de Marie Saintonge, Ric Dubois est surpris par des orages d’été « démentiels » en juillet au camping des Chutes rouges, où il s’est rendu pour terminer le manuscrit d’un ami mort dans d’étranges circonstances. Les routes sont à nouveau bloquées, mais le lieu a une emprise irrépressible sur lui : lorsqu’il peut enfin repartir, il n’arrive plus à quitter l’endroit après une série de morts violentes et de disparitions, happé par le magnétisme maléfique d’une « montagne plus grande que lui ».

Andrée A. Michaud ne nie pas qu’elle verse dans une sorte d’animisme qu’elle se plaît à entretenir tout au long du roman. « Tout le monde sait que la montagne gronde, qu’elle peut avoir une influence sur le tempérament des gens, mais personne n’ose en parler, de peur que ça ne réveille quelque chose », suggère-t-elle.

Or, le mal ne viendrait pas de la nature elle-même. « La forêt n’est pas inquiétante, elle le devient à partir du moment où il y a des hommes qui y entrent. Ce sont les hommes qui créent le danger dans la forêt. » Tempêtes est peut-être une façon, ajoute-t-elle timidement, de montrer la puissance de la nature et sa force.

C’est ainsi qu’elle retournera cet automne dans son apaisante nature à elle, histoire de se replonger tranquillement dans un nouveau projet d’écriture. L’hiver prochain risque d’être un moment propice à la création. « Avec plusieurs tempêtes qui vont m’inspirer et m’obliger à me replier sur moi-même », espère-t-elle, une lueur dans les yeux.

Tempêtes

PHOTO FOURNIE PAR QUÉBEC AMÉRIQUE

Légende

Andrée A. Michaud

Québec Amérique

360 pages