Avec ce premier roman, Ève Lemieux (connue notamment comme actrice) frappe un grand coup. Percutant, violent, cru, ce livre qui prend aux tripes se lit d’une traite, comme une urgence.

On est happé dans l’univers contrasté de Philomène Flynn, qui vit tout à intensité maximale : les beuveries, le sexe, jusque dans ses retranchements les plus brutaux, et par-dessus tout l’amour, celui qui remplit et rend fébrile, celui qui déchire et arrache.

« Entre dans un bar. Shooter, danse, shooter, puff de weed, shooter, vomi, danse, ligne de coke. » Pour Philo, la violence (envers soi-même) semble s’être érigée comme seule façon de vivre et d’aimer.

Sans dentelle ni fioriture, mais avec une écriture qui sait être très imagée et poétique, Lemieux raconte avec beaucoup d’acuité une génération pour qui la demi-mesure ne semble pas une option, incarnée par Philo et sa meilleure amie, Tania.

Mais Philo, qui porte en elle un animal blessé et une grande part d’ombre, va toujours un cran plus loin, nourrit ses obsessions amoureuses jusqu’à la folie, « cultive les fruits pourris » et titube dangereusement près du gouffre de la maladie mentale.

Insérant parfois un second point de vue narratif, l’écriture, compulsive, épouse les ressacs des aléas de la vie de la protagoniste. On la suit, à la fois impuissant et fasciné, mener à terme son autodestruction, malgré quelques moments de répit qui laissent entrevoir un rai de lumière.

De chapitre en chapitre ne défilant pas toujours de façon chronologique et nommant les lieux et les dates comme un journal dont on reconstituerait le fil conducteur peu à peu, l’autrice tisse le récit d’un naufrage, mais aussi, en filigrane, d’un sauvetage – par l’amitié, par une main aimante tendue, mais aussi par l’art, qui permet d’exhumer les démons, le tout cristallisé dans l’histoire de la Créature et de l’Humaine.

« L’Humaine survécut au venin, et de ses larmes de résilience échouées sur la terre infertile naquit un germe de fleur. » Et c’est l’histoire, torturée certes, de la naissance de ce germe que nous raconte Ève Lemieux dans Comme des animaux. Fort et puissant.

★★★★

Comme des animaux. Ève Lemieux. XYZ. 218 pages.