On les a découvertes dans un roman, puis redécouvertes au petit écran, et on les croise désormais dans de nombreuses manifestations... Dépassant la sphère de la fiction, les « Servantes écarlates » sont devenues un symbole féministe à l'ère du mouvement #metoo.

Le livre éponyme, publié en 1985 par Margaret Atwood, s'est ancré dans l'actualité après son adaptation en série en 2017. The Testaments (Les testaments), la suite très attendue, est paru mardi au Royaume-Uni (le 10 octobre en France). Cinq choses à savoir sur ce phénomène mondial.

Orwell...

Margaret Atwood a commencé à écrire The Handmaid's Tale (La servante écarlate) à Berlin-Ouest en 1984, inspirée par l'écrivain britannique « George Orwell (qui) regardait par-dessus (son) épaule ». « Le Mur était tout autour de nous. De l'autre côté, il y avait Berlin-Est », raconte-t-elle dans la préface inédite d'une réédition française de The Handmaid's Tale, qui paraîtra prochainement.

Une époque de silences, de dangers... « Les États-Unis se vendaient comme une alternative, une terre de liberté, de démocratie, d'égalité », a souligné mardi la romancière lors d'une conférence de presse à Londres. Mais Margaret Atwood s'inspire des « ombres » à ce tableau, dissimulées en pleine guerre froide.

Résultat : The Handmaid's Tale décrit la vie aux États-Unis devenus « la République de Gilead », un État totalitaire où les femmes fertiles sont réduites à l'esclavage sexuel. Ce sont des « Servantes », reconnaissables à leurs uniformes rouges.

... et Trump

La parution de la série télé en 2017, après l'investiture du président américain Donald Trump, a été fortuite. Mais les admirateurs y ont vu un signe et l'ont érigée en symbole anti-Trump.

Le costume des Servantes, capes rouges et coiffes blanches, s'est alors imposé comme un signe de ralliement : omniprésent à Washington pendant la bataille contre la confirmation à la Cour suprême du juge Brett Kavanaugh, accusé de tentative de viol quand il était lycéen, il est aussi apparu lors de manifestations pour les droits des femmes et à l'avortement dans le monde entier (Argentine, Pologne, Irlande).

« C'est très visuel et grâce à la série, tout le monde sait ce que ça signifie », se félicite Margaret Atwood.

Costumière bouleversée

PHOTO JIM WATSON, ARCHIVES AFP

Le costume des Servantes, capes rouges et coiffes blanches, s'est imposé comme un signe de ralliement. Il a été omniprésent à Washington pendant la bataille contre la confirmation à la Cour suprême du juge Brett Kavanaugh.

Ce retentissement mondial a bouleversé la créatrice du costume pour la série. « Pendant les deux ans et demi où j'ai travaillé sur la série, je n'en ai pas vraiment mesuré l'impact », racontait à New York à l'AFP Ane Crabtree, la cinquantaine.

« Je voulais que les gens aient peur. Je voulais que ce soit à la fois normal et terrifiant », disait-elle en évoquant le vêtement qui fait penser à une tenue de nonne agrémentée d'oeillères.

Ane Crabtree a réussi son pari, mais ne sort pas indemne de l'expérience : la série « remue trop de choses dans ma vie personnelle ». Au point qu'elle a décidé de s'en aller avant le tournage de la troisième saison.

« Pseudo-féminisme »

PHOTO CHRIS PIZZELLO, ARCHIVES AP

Ane Crabtree, costumière de la série, a décidé de s'en aller avant le tournage de la troisième saison.

La série a pris des libertés par rapport au premier roman de Margaret Atwood en inventant une suite.

Si elle a connu un succès mondial, elle a aussi été dénoncée pour ses nombreuses scènes de violence (lapidations, pendaisons, électrocutions...) alors que la romancière canadienne ne faisait que les suggérer. « La saison 2 de The Handmaid's Tale est brutale, et pas grand-chose de plus », critiquait le New York Times en 2018.

« Pour contrebalancer cette violence gratuite, les créateurs ponctuent les épisodes de moments pseudo-féministes », comme « des grandes démonstrations de rébellion » peu crédibles au sein d'un État totalitaire, tançait aussi Slate en juillet dernier.

Scientologue et féministe

PHOTO FOURNIE PAR HULU

Si elle a connu un succès mondial, The Handmaid's Tale a aussi été dénoncée pour ses nombreuses scènes de violence.

En interprétant le premier rôle de June, une Servante, Elizabeth Moss a définitivement bâti sa réputation d'actrice féministe.

« J'essaie toujours de faire en sorte que mes personnages deviennent des héroïnes et représentent le féminisme », confiait en août au Times l'Américaine de 37 ans, qui s'était déjà distinguée en jouant Peggy Olson dans la série Mad Men.

Mais la vie personnelle de l'actrice fait jaser. The Handmaid's Tale dénonce une république dirigée par une secte religieuse, alors qu'Elisabeth Moss appartient elle-même à l'église de Scientologie. L'actrice a plusieurs fois rejeté la comparaison.

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En interprétant le premier rôle de June, une Servante, Elizabeth Moss a définitivement bâti sa réputation d'actrice féministe.