Quelques suggestions de bandes dessinées à découvrir.

Grâce à Obb… et aux femmes

Enki Bilal poursuit sa nouvelle série dystopique là où il s’est arrêté l’an dernier. Rappelez-vous : un bogue mystérieux fait « crasher » toutes les données numériques de l’internet. Nous sommes en 2041 et le monde est complètement paralysé. L’équipage d’un vaisseau qui rentre d’une expédition sur Mars est en danger. Étrangement, son commandant, Kameron Obb, semble détenir « en lui » toutes les données humaines perdues (il est possédé par un extraterrestre !). Ce qui en fait l’homme le plus recherché du monde… Les mafias italienne et corse concluent une alliance et prennent sa fille en otage pour l’attirer vers elles.

Elles ne sont pas seules. « L’élite de la Silicon Valley » lui offre son aide pour sauver le monde. Et un groupe de néomarxistes progressifs veut ressusciter (avec lui) la pensée de Marx… Bref, ça se bouscule et le temps presse pour tous, particulièrement pour la France qui tente de sauver la tour Eiffel menacée par le plantage des systèmes de rééquilibrage numérique souterrains… Obb, dont les taches bleues (dues à la présence de l’extraterrestre) s’accentuent, est le seul espoir de l’humanité, mais il est lui aussi retenu captif. Ici, les femmes sont au pouvoir, et c’est peut-être grâce à elles que le pire sera évité. Enki Bilal nous tient en haleine avec ce nouvel album aux teintes de bleu et de gris. Et oui, malheureusement, ce livre 2 se termine abruptement par le mot « suite ».

★★★★ Bug, livre 2. Enki Bilal. Casterman, 76 pages.

L’élastique de l’amitié

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Les petits garçons, de Sophie Bédard

Coup de cœur pour cet album de Sophie Bédard, qui s’est fait connaître grâce à sa série pour ados Glorieux printemps et qui nous raconte une histoire toute montréalaise. Après avoir disparu pendant un an, Nana réapparaît dans la vie de ses jeunes colocataires (et amies) Lucie et Jeanne. Évidemment, ce retour suscite la méfiance des filles, mais Lucie finit par renouer avec Nana. Ce qui n’est pas tout de suite le cas de Jeanne, plus rancunière.

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Extrait de Les petits garçons, de Sophie Bédard

Bref, c’est le scénario de l’enfant prodigue, avec un humour très contemporain. Pourquoi a-t-elle disparu ? Pourquoi est-elle revenue ? Et qu’est-ce qui lie ces trois filles ? Sophie Bédard a créé des personnages très forts pour nous raconter une véritable histoire d’amitié. Le récit de trois jeunes femmes qui sortent à peine de l’adolescence et qui découvrent (avec effarement et maladresse) le monde adulte. Elles sont représentées différemment (Lucie a l’air d’une enfant, Nana, d’une ado et Jeanne, d’une adulte), ce qui participe à tracer le contour de ces personnages émouvants.

★★★★ Les petits garçons. Sophie Bédard. Éditions Pow Pow. 228 pages.

Un été sans parents…

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Un cœur pur, de Liz Suburbia

La version française de Sacred Heart, réalisé par Liz Suburbia, a le mérite de nous sortir des sentiers battus. La bédéiste américaine dépeint une bande d’ados qui font la loi dans leur petite ville d’Alexandria. Au centre du récit : le personnage de Ben Schiller, jeune fille au look à la garçonne, son meilleur ami Otto (de qui elle se rapprochera), sa sœur Empathy (qui a tendance à disparaître) et tous les autres.

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Extrait d’Un cœur pur, de Liz Suburbia

Mais bizarrement, aucune trace d’adulte… C’est l’été, ils sortent, boivent, baisent, vont voir des shows, se préparent pour leur bal, mais au fil de leurs errements, ils tombent sur des cadavres. Même le chanteur du groupe The Crotchmen y passera… Oui, il se passe des choses étranges et l’on cherche jusqu’au dénouement (surprenant !) l’identité de ce tueur en série avec une certaine désinvolture. Un album déroutant, qui ferait un excellent scénario de film.

★★★½ Un cœur pur. Liz Suburbia. Casterman. 309 pages.

« Je bois, systématiquement »

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Portrait d’un buveur, de Schrauwen, Ruppert & Mulot

Il s’appelle Guy et il boit. Ce portrait irrévérencieux d’un buveur est pure provocation. Car ce Guy (charpentier à ses heures), qui ne manque pas d’esprit et qui sait être divertissant (à sa manière), est aussi capable de tuer. Paresseux, voleur, menteur et surtout immoral, il finit par s’engager dans une vie de corsaire, qui lui va comme un gant.

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Extrait de Portrait d’un buveur, de Schrauwen, Ruppert & Mulot

Les dessins de Ruppert et Mulot sont grandioses. Certaines planches se présentent comme des esquisses au trait minimaliste, les personnages n’ont pas toujours de visage ; d’autres sont plus détaillées, les couleurs pastel apparaissent soudain. Un album violent et sans scrupule, étrangement magnifique.

★★★½ Portrait d’un buveur. Schrauwen, Ruppert & Mulot. Aire libre. 175 pages.