Auteur d’une trentaine de romans, Yasmina Khadra est le président d’honneur du Salon du livre de Québec, qui a lieu ce week-end. Nous nous sommes entretenus avec l’écrivain algérien alors qu’il se trouvait dans un train en direction de la Vieille Capitale.

Yasmina Khadra ne manque certainement pas d’humour. Quand on lui demande comment il voit son rôle de président d’honneur du Salon du livre de Québec, il répond du tac au tac: «À vie! Tant pis pour les Québécois et les Canadiens, ils sont pris avec moi comme président d’honneur pour toujours. Ils devront descendre dans la rue pour se débarrasser de moi [rires].»

L’écrivain fait bien entendu référence aux évènements qui dominent l’actualité en Algérie. Les jeunes Algériens ont manifesté contre la présidence «à vie» d’Abdelaziz Bouteflika, le forçant à se retirer après 20 années au pouvoir. Comment l’écrivain, qui a déjà tenté d’être candidat à la présidence de son pays, voit-il ces manifestations? «Magnifiques, répond-il sans hésiter. Mais il faut impérativement trouver quelqu’un pour la présidence. C’est beau, les marches et les slogans, mais la balle est encore dans le camp du régime au pouvoir.»

Cela dit, Yasmina Khadra, qui vit principalement à Paris aujourd’hui, assure qu’il n’est plus du tout intéressé par la vie politique et qu’il préfère de loin se consacrer à l’écriture. 

L’œuvre de cet ancien commandant de l’armée algérienne est caractérisée entre autres par ses connaissances du monde militaire et de la contre-intelligence. Dans son plus récent roman, Khalil, vendu à plus de 600 000 exemplaires, il se glisse carrément dans la peau d’un terroriste kamikaze qui participe aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. 

«Comprendre les terroristes, me mettre dans leur tête, ce fut mon métier pendant des années. Mes livres sont lus dans les écoles militaires et les écoles de police.»

Masculin féminin

Nombreux sont les lecteurs qui savent aujourd’hui que le véritable nom de Yasmina Khadra est Mohammed Moulessehoul. C’est pour éviter les critiques et la censure de ses supérieurs – pour jouir de sa liberté d’écrivain, quoi! – qu’il a adopté au début de sa carrière un pseudonyme féminin composé des deux prénoms de sa femme. «Dans ces années-là, je ne pensais même pas survivre», confie ce militaire à la retraite. Il a souvent expliqué en entrevue comment sa conjointe avait encouragé et soutenu son travail d’écrivain.

Aujourd’hui, il ne songe plus à reprendre son nom d’origine: «Ma femme ne serait pas contente», blague-t-il. Et ce, même si, dans les pays arabes, ce pseudonyme lui ferme des portes. 

«On m’a souvent demandé: “Pourquoi prendre le nom d’une femme?”, raconte celui qui se considère comme un féministe. Pour moi, c’est une manière de rendre hommage aux femmes qui sont, encore aujourd’hui, sous-représentées, sous-estimées, et ce, autant en Occident qu’en Orient.»

Liberté absolue

Yasmina Khadra arrive dans une ville encore ébranlée par l’attentat de la Grande Mosquée, dans une province où l’on débat d’un projet de loi qui prévoit interdire les signes religieux chez les individus en position d’autorité et les enseignants. 

Que pense-t-il de tout cela? «Je dirais aux Québécois ce que j’ai déjà dit dans plusieurs villes du monde, que ce soit Paris, Bruxelles, Amsterdam, etc.: une nation ne se bâtit pas sur l’identité, mais bien sur la citoyenneté. Il faut faire attention à ne pas faire d’amalgames. La stigmatisation relève de la stupidité congénitale. Jugeons les gens sur leurs actes, pas sur les apparences. La liberté, la vraie, c’est celle de croire ou de ne pas croire. Chacun est libre pourvu qu’il ne touche pas à la liberté des autres.»

Consultez la programmation du Salon du livre de Québec.

L’horaire de Yasmina Khadra au Salon

- Aujourd’hui: de 18 h à 19 h - Demain: de 13 h 30 à 14 h 30 et de 16 h à 17 h - Dimanche: de 10 h 30 à 11 h 30 Éditions Robert Laffont (stand 87)

Le Salon international du livre de Québec, au Centre des congrès de Québec, jusqu’au 14 avril.