(Paris) Le romancier Luc Lang a remporté vendredi le prix Médicis, un des prix littéraires les plus exigeants, avec La tentation (Stock), un roman sombre et puissant qui raconte, à hauteur d’homme, l’histoire d’un monde en train de s’effondrer.

Le Médicis étranger a été attribué à l’Islandaise Audur Ava Olafsdottir pour Miss Islande, traduit de l’islandais par Eric Boury (Zulma).

Le Médicis essai a été attribué à Bulle Ogier et Anne Diatkine pour J’ai oublié (Seuil).

Luc Lang a été élu au 3e tour par 7 voix sur 10 (Santiago H. Amigorena, Brigitte Dubois et Christine Montalbetti ont obtenu 1 voix chacun).

« J’ai essayé d’écrire une apocalypse », confiait récemment Luc Lang à un journaliste de l’AFP. En recevant son prix, le romancier, la voix nouée par l’émotion, s’est dit « extrêmement touché ». En début de semaine, l’écrivain avait été finaliste malheureux du prix Femina. Il est toujours en course pour le prix Wepler qui sera décerné lundi.

La jurée Pascale Roze a salué « la puissance de sa langue, la puissance des scènes qu’il est capable de bâtir ».

Le romancier, âgé de 63 ans, était en lice face à Santiago H. Amigorena (Le ghetto intérieur, P. O. L), Brigitte Giraud (Jour de courage, Flammarion), la lauréate du prix Décembre Claudie Hunzinger (Les grands Cerfs, Grasset), les primo-romanciers Victor Jestin (La chaleur, Flammarion) et Guillaume Lavenant (Protocole gouvernante, Rivages), Vincent Message (Cora dans la spirale, Seuil) et Christine Montalbetti (Mon ancêtre Poisson, P. O. L).

Luc Lang, Goncourt des lycéens en 1998, nous raconte depuis des années à travers ses romans la fin des illusions et La tentation ne fait pas exception à la règle. Dans un monde où l’argent est roi, quelle place reste-t-il pour des valeurs devenues ringardes comme l’humanisme, la compassion ou la charité ?

« Le capitalisme universel est devenu la réalité et nous laisse sans recours », déplorait Luc Lang lors de sa rencontre avec l’AFP.

En lisant son roman, on pense évidemment à la « tentation du désespoir » de Bernanos.

Le roman s’achève dans une explosion de violence, une apocalypse où, étrangement, l’espoir demeure. « Je voulais une apocalypse joyeuse », avait confié l’écrivain. Une apocalypse comme une rédemption.

Les larmes de Frédéric Mitterrand

Récompensé par le Médicis étranger, Miss Islande est un roman à la fois féministe et insolent. Dans les années 1960, Hekla quitte la ferme familiale pour accomplir son destin : devenir écrivaine.

« Pour une écrivaine qui écrit dans une langue minoritaire et marginale comme l’islandais, comprise par 344 000 habitants, recevoir ce prix, c’est quelque chose d’extraordinaire », a fait remarquer Audur Ava Olafsdottir, une écrivaine parfaitement francophone après des études d’histoire de l’art en France.

Elle a rendu hommage à son traducteur, Eric Boury, « qui m’a donné une voix en français ».

Le Médicis essai a récompensé un livre doux et mélancolique, à l’image de la comédienne Bulle Ogier, interprète inoubliable de La salamandre, récompensée pour J’ai oublié, un livre écrit avec son amie, la journaliste Anne Diatkine.

« J’ai oublié plus que tout au monde pourquoi je suis devenue actrice, moi qui étais si timide et détestais me montrer », raconte la comédienne dans ce livre paru en septembre et où plane l’ombre de Pascale, sa fille disparue brutalement en octobre 1984.

En lui remettant son prix, Frédéric Mitterrand n’a pu retenir ses larmes. Alors que la comédienne remerciait les membres du jury, l’ancien ministre de la Culture a lancé « tu l’oublieras ! », une manière de cacher son immense émotion. Il a surtout salué « un livre où l’essentiel est inoubliable ».

Avec l’attribution du Médicis, après le Grand prix du roman de l’Académie française (à Laurent Binet), le Goncourt (Jean-Paul Dubois), le Renaudot (Sylvain Tesson), le Femina (Sylvain Prudhomme) et le prix Décembre (Claudie Hunzinger), la saison des prix littéraires touche presque à sa fin.

Lundi sera décerné le prix Wepler, mardi le prix de Flore, mercredi l’Interallié et jeudi le Goncourt des lycéens, un des prix littéraires les plus prescripteurs pour les ventes de livres.