Le poète, essayiste et journaliste Jean Royer est mort jeudi à Montréal des suites d’une longue maladie. Figure majeure de la littérature québécoise, il était un infatigable veilleur/passeur de poésie, connu de tous dans le milieu littéraire québécois. Il aimait dire que son idée phare a toujours été « la transmission de notre culture et de notre littérature ».

Jean Royer était âgé de 81 ans. Né à Québec, l'aîné d'une famille de sept enfants a commencé sa carrière comme journaliste à l’Action catholique en 1963. Il est ensuite passé au quotidien Le Soleil à Québec et au Devoir à Montréal où il a dirigé les pages culturelles jusqu’en 1991.

Jean Royer a occupé la présidence de la Rencontre québécoise internationale des écrivains et de l’Académie des lettres du Québec de 1996 à 2005.

Le poète-essayiste a été membre du comité organisateur de la première Nuit de la poésie en mars 1970 à Montréal. À cette époque, il a aussi fondé la Revue Estuaire, puis il a été directeur littéraire des Éditions de l’Hexagone de 1991 à 1998.

Comme auteur, il a écrit une vingtaine de recueils de poèmes ainsi que de nombreux essais portant surtout sur la poésie québécoise – notamment sur celles de Gaston Miron et de Marie Uguay. Il a fait paraître plusieurs anthologies, dont Le Québec en poésie (Gallimard) et Introduction à la poésie québécoise (Bibliothèque québécoise).

Il a remporté en 1989 le Prix Alain-Grandbois (pour son recueil Poèmes d’amour) et en 2014, le Prix Athanase-David, la plus haute distinction attribuée à une personne pour sa contribution remarquable à la littérature québécoise.

Deux inédits de Jean Royer sont entre les mains de sa maison d'édition Le Noroît, dont un paraîtra à l'automne. Il s’agit de la quatrième partie d’un cycle entrepris en 2013 avec L’arbre du veilleur et, poursuivie les années suivantes, par La voix antérieure et La fêlure, la quête. Cette série sur ses propres pistes de lecture en poésie aborde aussi bien les poètes d’ailleurs que d’ici, un véritable hommage à la création poétique. Son dernier recueil, Avant l’autre nuit, a été publié en 2015 au même endroit.

Réactions

Son ami, enseignant et chroniqueur littéraire, Jean-François Crépeau, l’a connu au début des années 70 lors de la publication chez Leméac des grands entretiens journalistiques de Jean Royer.

« Pour Jean, la poésie c’était un mode de vie. Dans sa façon de réfléchir, d’aborder les problèmes anodins comme les choses hypersérieuses. Ce n’est rien de romantique, mais de très sensé, pondéré. Jean voyait la poésie comme une écologie de l’âme. »

Selon lui, Jean Royer a toujours gardé un œil d’enfant sur le monde. « C’est un être d’une grande générosité. Pour la réédition de son Introduction à la poésie québécoise, il l’a complètement retravaillé. Il pouvait être ferme, dit-il, mais je n’ai jamais perçu chez lui de mesquinerie. La poésie et la littérature québécoises lui sont éminemment redevables », croit-il.

La poète Denise Desautels l’a connu dans les années 70 lorsqu’elle a commencé à publier de la poésie. Elle doit au passeur qu’était Jean Royer son premier récit fictif, Ce fauve, le bonheur (Prix Hervé-Foulon 2015).

« Je l’ai écrit grâce à lui. Lors d’un colloque où j’avais parlé de ma grand-mère, il était venu me voir et m’avait écrit une très belle lettre pour dire qu’il était temps de passer à autre chose que la poésie. Sa lettre a éclairé ma route. »

« Jean Royer, poursuit-elle, avait de belles intuitions. Il vivait d’écriture et de poésie. Ce milieu était le sien. Sa générosité allait vers la lecture, beaucoup, et les écrivains. C’était un veilleur et un passeur. »

L’écrivain et éditeur Louis-Philippe Hébert souligne que Jean Royer « était un être très curieux de tout ».

« J’ai été engagé par lui pour “La Revue des revues” au Devoir, chronique consacrée au monde de la revue et à la nouveauté que les revues apportent. C’étaient les belles années de la culture au Devoir. Je me retournais, il était toujours là. Prêt à aider, curieux de comprendre. »

« C’était l’être le plus ouvert que j’ai connu, ajoute-t-il. Il avait un grand respect pour toute poésie. Toutes les formes qu’elle pouvait prendre. Sa poésie se faisait sans charabia, tout en douceur et sensibilité. »