Patrick Senécal est l'un des rares auteurs québécois à avoir vendu plus d'un million de livres au cours de sa carrière. Avec son nouveau roman, Il y aura des morts (Éditions Alire), l'auteur explore le thème du chaos et de la fragilité de nos existences. Ce maître de l'horreur et des émotions fortes a construit «un jeu macabre qui prend les allures d'une traque sanglante». Il nous parle de sa vie en livres.

Votre premier souvenir de lecture?

Dans les années 70, la littérature jeunesse au Québec était beaucoup moins développée qu'aujourd'hui. Vers 10 ans, je suis tombé sur la collection anglaise de romans policiers pour enfants Le Club des cinq. Et ça a changé ma vie ! J'ai découvert le plaisir de lire, l'acte de m'isoler pour plonger dans un récit me plaisait. J'aimais cette série et les aventures qui arrivaient au groupe d'enfants. Toutefois, j'étais toujours déçu par la fin des romans. Alors, j'ai décidé de fouiller dans les rayons de la section pour adultes de la bibliothèque municipale...

Et là, par hasard, vous êtes tombé sur un livre qui a changé votre vie...

En effet. À 11 ou 12 ans, j'ai lu un recueil de nouvelles de Jean Ray, Les 25 meilleures histoires noires et fantastiques, préfacé par Henri Vernes. C'est la couverture du livre qui m'a d'abord attiré. À la lecture, je réalise qu'on peut faire peur avec des mots, pas seulement avec des images comme au cinéma. Jean Ray est un maître prodigieux du mystère. Son univers est rempli d'angoisse et de terreur. J'apprivoisais donc la peur et la transgression dans la fiction, même si je suis peureux dans la vie. Trois jours après avoir emprunté ce livre, j'ai commencé à écrire mes propres histoires d'horreur.

Le roman qui vous a le plus terrifié comme lecteur?

Simetierre de Stephen King. C'est la belle époque de King. [Pet Sematary a été publié en 1983.] Le titre fait référence à un cimetière d'animaux où des générations d'enfants ont enterré leur animal de compagnie préféré. Le vrai roman d'horreur n'est pas fait pour rassurer le lecteur à la fin: tu dois fermer le livre en ayant toujours peur. Le roman de King a été adapté au cinéma en 1989. Mais le film n'est pas très bon.

Un livre que vous relisez tout le temps?

Je ne relis jamais un livre. J'ai eu 50 ans en octobre dernier. Et je sais que je ne pourrai jamais passer à travers tous les livres que j'ai envie de lire dans ma vie. Qui plus est, je ne lis pas vite, car j'aime prendre mon temps en lisant. L'un des rares romans que j'ai relus, c'est Germinal de Zola, parce qu'il faisait partie de mon plan de cours quand j'enseignais au cégep. Mais je ne relis jamais un livre pour le plaisir. C'est le drame de ma vie.

Le livre que vous n'avez jamais lu et vous ne savez pas pourquoi?

Je n'ai jamais lu Ulysse, le roman de James Joyce qui est dans ma grosse pile de livres à la maison. Il me fait de l'oeil. J'ai un système de lecture personnel: je pige un numéro, puis je compte dans la pile de bouquins pour choisir ma prochaine lecture. Je suis tombé une fois sur Ulysse et ses 800 pages; je l'ai remis dans la pile... Désolé, James!

Le livre sur votre table de chevet?

La vérité sur Bébé Donge, l'un des romans policiers de George Simenon qui n'est pas de la série des Maigret. Je suis un grand amateur (un «maniaque») de Simenon. Je me suis acheté sa collection complète (25 tomes). Ce qui est extraordinaire, avec Simenon, c'est que son écriture simple, minimaliste, nous donne l'impression qu'il n'a pas de style. Or, cet auteur réussit toujours à créer des ambiances riches, à nous faire voir et sentir tout, tout, tout, sans longues descriptions. Sous une apparence banale, son écriture explore (et nous révèle) les grands tourments de l'âme humaine.

Le livre que vous avez l'intention de lire ou d'offrir durant les Fêtes?

J'ai souvent offert à des proches et des amis Les noces barbares de Yann Queffélec (prix Goncourt en 1985). Ce roman plaît à tout le monde, peu importe qu'on soit un grand lecteur ou pas. C'est un récit dur, bouleversant. Une histoire à la fois très belle et horrible. Pour ma part, je vais me faire le cadeau de dévorer l'ouvrage d'uneamie: la trilogie Red Light de Marie-Eve Bourassa. Trois romans noirs portant sur le Montréal interlope dans le quartier autour de la Main dans les années 20 et 30.