Cinq ans après Le syndrome de la vis, revoici Marie-Renée Lavoie et Autopsie d'une femme plate qui, comme son titre l'indique, est drôle à mourir.

Diane, on s'en doute, n'a rien d'une femme plate. Son mari l'a laissée parce qu'il ne l'aimait plus. C'est tout. Elle vit l'enfer, se désagrège même, mais cette femme intelligente est suave et pétillante. Son oeil se rit de tout ce qui lui arrive et qui, chez d'autres, donnerait un drame à l'eau de rose.

Pas ici. La plume est alerte et dynamique. Maître ès ironie, Marie-Renée Lavoie écrit en toutes lettres dans sa dédicace : « parce qu'il faut bien en rire ».

« C'est ma voie, ma façon de faire. Même quand j'écris pour la jeunesse, je suis très humoristique. On ne s'en rend pas nécessairement compte, mais ça m'habite », dit-elle en entrevue, bien confortablement assise chez elle, entre deux chats et un chum triathlétiquement parfait.

Diane, ce n'est pas elle, compris ? Sa narratrice ne pratique ni la course ni le yoga. Elle aime la tarte aux pommes et radote des histoires qu'elle dit « banales ». 

« Je n'avais pas envie d'une femme qui vient de se faire laisser. Je voulais écrire sur une femme à qui il arrive toutes sortes de choses. Je souhaitais avoir du plaisir à l'écrire. Et quand les gens prennent mon livre, ils passent en général un bon moment. » 

« Il y a une voisine qui m'a dit que mon livre précédent lui avait redonné de l'énergie après avoir vécu avec un cancer. Peut-être que c'est ça, mon apport à la littérature. »

- Marie-Renée Lavoie

Pas de prétention chez celle qui a connu un succès monstre avec son premier roman La petite et le vieux, en 2010.

« En fait, je commence à me demander : pourquoi on écrit dans la vie ? Ça mène où ? Il faut rester humble, je ne suis pas Victor Hugo. Comme me l'a déjà dit l'un de mes profs d'université, l'écrivain Hans Greiff :  "Vous avez un art fabuleux pour ne raconter rien." »

ÉQUILIBRISTE

Et voilà. La petite vie de Diane, la délaissée, aurait pu frôler le tragique ou le kitsch. Mais Marie-Renée Lavoie est une équilibriste qui puise sa force dans sa connaissance des travers humains. 

« L'essentiel de ce qui compte dans mes romans, ce sont les émotions. Je suis obligée de les inventer. Même dans La petite et le vieux, dans un cadre plus autobiographique, il a fallu que j'invente les émotions de la petite et celles des autres. Ces choses-là auraient pu m'arriver, je me projette là-dedans, mais ça ne m'est pas arrivé. On fait toujours de l'autofiction, dans le fond. » 

Le débat à ce sujet l'ennuie terriblement. Écrit au « je », Autopsie d'une femme plate n'a rien à voir avec sa vie.

« On tient un faux débat sur l'autofiction. Même si on écrit sur une esclave noire au XVIIe siècle, il reste que tu l'as fait parler avec ce que tu es. La tendresse que ce personnage va avoir pour d'autres, c'est celle que tu es capable d'inventer. Donc, c'est une part de toi. »

- Marie-Renée Lavoie

RIRE OU PLEURER

Elle dit comprendre que les lecteurs s'interrogent sur ce qui relève de la fiction et de la réalité dans ses livres. Mais l'important, selon elle, c'est d'être ému et de pouvoir en rire ou en pleurer. 

« Je travaille sur un roman qui ne sera pas drôle, mais qui tourne autour des petites choses. Les relations familiales, les amitiés, c'est ce qu'il y a de plus fort à mon avis, c'est ce qui reste quand tout est fini. » 

Les mésaventures de la femme plate, par contre, font sourire d'un bout à l'autre, sinon carrément s'esclaffer.

« Si Diane est attachante, c'est gagné. Je veux toujours que mes personnages soient attachants, mais ça prend aussi quelques personnages faciles à détester. J'écrivais et je me demandais si c'était caricatural, mais en fait, j'ai rogné quelques coins. La vie, on ne peut pas la raconter, elle n'a pas de sens tellement c'est absurde parfois. » 

EXTRAIT

« Le cinéma, la littérature et la chick lit regorgent de ces scènes d'autoflagellation où une méchante maîtresse trop belle, trop jeune, toujours un peu conne, vient tenter, par des aveux aussi vrais que ses faux seins, d'obtenir le pardon de la femme abandonnée pour se laver la conscience et jouir enfin pleinement du beurre, de l'argent du beurre et du gars qui fait le beurre. Elle aurait sûrement souhaité que j'en vienne à reconnaître, en l'écoutant, que ce n'était pas sa faute, qu'ils avaient succombé à quelque chose de plus grand qu'eux qui les avait réunis dans une symbiose alchimique qui transcendait - entendre annulait - tous les serments du passé. »

Autopsie d'une femme plate

Marie-Renée Lavoie

XYZ 

244 pages

En librairie le 6 avril

image fournie par xyz

Autopsie d'une femme plate