La journaliste et auteure Lucie Pagé a publié à l'automne Sexe, pot et politique, un roman surprenant qui se veut une critique absurde de notre système politique et un pamphlet pour la marijuana thérapeutique. Elle nous a parlé de sa vie en livres.

Votre premier souvenir de lecture ?


Je suis née déracinée, le coeur en fleur de lys, les chants de Vigneault sortant de la cuisine quand maman mijotait ses plats et notre culture, alors que j'avais le nez dans les livres anglophones de ma Nouvelle-Écosse natale. C'est la série Nancy Drew (Alice Roy au Québec) de Caroline Quine, qui m'a fait découvrir ma boîte à clous - celle qui me rivait au lit, à la chaise, au dos de l'arbre. Je partais en aventure avec Nancy, 19 ans, détective, téméraire. Je courais avec elle, posais des questions. Mais surtout, je nourrissais ce qui allait devenir mon métier: ma curiosité sans bornes, la poudre levante du journalisme.

Le livre qui a changé votre vie?


La vie devant soi, que j'avais emprunté à la bibliothèque du cégep. Dès la première page, ma vie a changé. Je crois que c'est ce livre qui m'a fait comprendre la folie du genre humain. «Madame Rosa ne voulait pas courir le risque d'être couchée en bonne et due forme sur des papiers qui le prouvent, car dès qu'on sait qui vous êtes on est sûr de vous le reprocher.» On sait que c'est Romain Gary qui a écrit ce livre sous le pseudonyme d'Émile Ajar. Mais quand j'ai lu du Romain Gary, je n'ai pas retrouvé cette même magie littéraire.

Le livre qui est sur votre table de chevet en ce moment?

The Fifth Dimension, an Exploration of the Spritual Realm, par John Hick. Notre cher Nobel sud-africain, Desmond Tutu, a beaucoup d'admiration pour cet auteur, «un des plus grands philosophes de la religion du monde». Dans ce livre, Hick explore la cinquième dimension: celle de la spiritualité. C'est la réponse au changement de conscience nécessaire pour assurer la pérennité de l'humanité. Elle ne réside pas dans les guerres, les armes, l'argent, les lois, ni même la religion. Elle est dans la spiritualité - l'amour, la compassion, la paix. C'est notre seule porte de sortie.

Le livre que vous relisez tout le temps?


Je n'ai lu qu'un livre deux fois. Et c'est La vie devant soi, d'Émile Ajar. Je me promets de le lire une troisième fois. Mais j'ai encore tant et tant de livres que je veux lire!

Celui que vous n'avez jamais lu, vous ne savez pas pourquoi?


Ceci sera un gros aveu. Et j'en ai honte. Mais c'est comme ça. La Sud-Africaine Nadine Gordimer. J'ai commencé tant de ses livres. Je l'ai interviewée. J'ai mangé avec elle. Elle a reçu le Nobel de littérature en 1991. Alors il doit bien y avoir des gens qui la comprennent! Moi, je n'ai jamais été capable de la lire. Ses mots ne passent pas, même en français. Un magazine m'avait demandé une critique d'un de ses livres. J'avais dit OK. Deux jours plus tard, j'ai rappelé pour leur dire que je n'étais pas capable. Mais j'ai adoré la femme.

Ce que vous avez l'intention de lire cet hiver? 

Amun, un recueil de nouvelles sous la direction de Michel Jean; Les fleurs du nord, par la sociologue Valérie Harvey; Se prendre au jeu, par Laurette Laurin; Frères et soeurs pour la vie: complicités et rivalités, par Michèle Lambin; Bleuets et abricots par Natasha Kanapé Fontain; L'homme qui voyait à travers les visages, d'Éric-Emmanuel Schmitt. Je viens de passer deux ans en écriture. Ce sera mes premières vacances depuis très longtemps à pouvoir lire ce qui me tente pour le plus pur plaisir de lire, de prendre mon temps et de respirer. J'ai hâte aux clous!