La longue nouvelle a le vent dans les voiles ces jours-ci. Au tour de Pierre Popovic de s'y frotter dans Le dzi, une première oeuvre de fiction qui rassemble trois de ces étonnantes longues nouvelles dont le ton rappelle souvent celui de la chronique. Ici, Popovic s'intéresse au phénomène de l'Amok, ce coureur intempestif qui fend l'air, habité d'une pulsion de vitesse impromptu et incompréhensible. Chaque longue nouvelle abrite son «dzi», son «orvet» comme l'auteur lui-même se plait à dire.

La procession, premier récit, suit le fil de la mémoire du narrateur alors que celui-ci retrouve dans ses souvenirs son hebdomadaire et laborieuse préparation au saint défilé de son enfance. On y découvre bientôt que le titre de la longue nouvelle renvoie plutôt à un autre type de procession, celui des femmes de sa vie. Or, ce sont probablement les deux nouvelles suivantes qui donneront un réel appui à l'entreprise, décrivant toutes deux un monde décalé, hors du temps et de l'espace. Le dzi, qui donne le titre au recueil, suggère une intéressante métaphore autour du buteur de foot, «ce culte de la fulgurance». Les emblèmes de l'équipe de Valdavie, véritables héros et martyrs modernes, buteurs adorés, s'élancent contre toute attente à revers. Quant au récit intitulé La main, il constitue habilement une longue introduction à l'Amok qui traversera la narration comme un éclair, délicat comme une dentelle et jetant pourtant un éclairage nouveau sur l'ensemble.

 

Ces mondes décalés sont aussi soulignés par le choix surprenant de l'auteur de mélanger différentes expressions locales de la francophonie, occitanes, wallonnes, québécoises, donnant à l'ensemble cette impression d'ailleurs inconnu (valdave peut-être?) qui désarçonne et fait de ce premier recueil un objet fort curieux.

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Le dzi

Pierre Popovic

Fides, 163 pages, 21,95$

***1/2