Dans Juste entre toi et moi, le journaliste Dominic Tardif s’entretient avec ses invités comme s’ils étaient seulement entre eux, sans micro. Anecdotes, réflexions, confidences : ces longs entretiens sont autant d’occasions de prendre congé de l’actualité et de s’imaginer que nous avons tout notre temps.

De quoi Katherine Levac est-elle fière ? De ses enfants ? Oui, bien sûr. Mais Katherine Levac est aussi fière d’avoir appris à dire non, elle qui a longtemps eu du mal à décliner une invitation. Mais qu’à cela ne tienne, l’humoriste a accepté d’être du premier épisode de cette nouvelle série balado.

Dans la vie d’un journaliste culturel, il y a des artistes avec qui des affinités se développent, même sans le chercher. Katherine Levac est de ceux-là, depuis cette journée promo en 2018, durant laquelle nous nous étions rencontrés dans l’étrange décor d’une suite de l’hôtel 10 à Montréal. Une scène « très Notting Hill », fait remarquer l’humoriste, qui connaît ses classiques.

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Il y a aussi la fois où Katherine Levac, quelques semaines à peine après avoir accouché et à quelques jours d’un passage à Tout le monde en parle, m’a donné une entrevue téléphonique pendant qu’elle magasinait la robe qu’elle porterait devant Guy A. « Ma pire entrevue à vie », juge-t-elle beaucoup trop sévèrement. Elle pensait, avoue-t-elle aujourd’hui, accorder un entretien à un magazine de vedettes et s’est rendu compte, à mi-parcours, que le gars au bout du fil était employé par un journal sérieux.

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Katherine Levac

Il fallait bien sûr revenir sur son animation du gala Les Olivier, saluée par la critique, mais à laquelle certains collègues d’un certain âge ont reproché, avec divers degrés de quérulence, ses moqueries et celles de ses invités au sujet de l’humour québécois d’une autre époque.

La cérémonie aurait-elle pu être plus inclusive sur le plan de l’âge ? La vérité, c’est que Katherine Levac, 33 ans, se considère comme une « vieille humoriste » et qu’il lui importait de dérouler le tapis à ses cadets. Les vétérans du rire qu’elle a contactés, ajoute-t-elle, étaient tous « au chalet dans le Nord » le dimanche et n’avaient pas envie de le quitter pour « venir présenter une catégorie podcast ».

Mieux mesurer ses ambitions

Mais je retiens surtout de cet entretien le sain détachement que Katherine Levac affiche désormais par rapport à son métier, une attitude salutaire avec laquelle elle envisage le rodage de son nouveau spectacle, L’homme de ma vie, et avec laquelle elle a aussi envisagé l’animation du gala Les Olivier.

« J’ai pris ça à cœur, au lieu de prendre ça au sérieux », résume-t-elle. Mais parce que nous vivons dans une société qui fétichise l’anxiété, où celui qui tyrannise son entourage avec ses angoisses est davantage estimé que celui qui respire par le nez, ce calme en aura inquiété certains autour d’elle.

Katherine Levac « gage mieux » ses ambitions depuis l’arrivée de ses jumeaux. Elle s’imaginait être à l’aise de s’en remettre entièrement aux services d’une nounou, mais s’est rendu compte, après leur arrivée, qu’elle souhaitait passer du temps avec eux. Un beau problème. Elle aborde le sujet de la conciliation tournée-famille sans qu’aucune question ne lui soit posée sur le sujet : « C’est notre devoir de parler de ce qu’on vit en tant que mères et créatrices et de dire à quel point c’est tough. »

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Katherine Levac en entretien avec Dominic Tardif

Les pères, même ceux qui ne délèguent pas entièrement les soins de leurs poupons à leur compagne, ont une longueur d’avance au moment de reprendre le travail, observe-t-elle avec une amertume résignée face à cette injustice biologique qui incombe à la femme qui a porté un enfant (et qui allaite). « Mes organes sont sortis de moi », lance-t-elle, ce dont aucun papa ne peut se vanter.

Dire la vérité

Katherine Levac participera cet été, durant Zoofest, au Womansplaining Show, un cabaret féministe coanimé par Anne-Sarah Charbonneau et Noémie Leduc-Roy. Il faut voir l’éclat dans les yeux de ces deux nouvelles venues lorsqu’elles témoignent de leur admiration pour Katherine – elles n’en reviennent visiblement pas de partager un micro avec elle – pour comprendre que si Katherine Levac n’est peut-être pas une « vieille humoriste », sa trajectoire représente déjà quelque chose auquel d’autres femmes peuvent aspirer.

Et si elle a déjà tiré une fierté malsaine d’être une des rares femmes en humour, Katherine Levac sait maintenant qu’une victoire n’en est jamais vraiment une si elle n’est pas collective.

Quelle est la job d’une humoriste ? « On est là pour dire la vérité », répond-elle. Un précepte auquel elle semble s’être tenue durant toute cette entrevue.

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Trois citations tirées de notre entretien

À propos de son rapport à certains médias

« La guerre du clic est très violente en ce moment, elle est super intense et moi, ça me pousse à me fermer à cause de ça, je vais moins m’ouvrir sur des plateaux télé. Là, tu vois, on parle longtemps, on a une conversation, mais après ça, en entrevue dans un talk-show, quelqu’un va dire : « On t’a entendue dire dans un podcast… » Mais voyons ! On avait trois heures. Là, en 45 secondes, tu veux que je te parle de ma relation amour-haine avec mon corps ? T’es-tu fou ? »

À propos de la conciliation travail-famille

« Quand je pense aux femmes qui ont toughé en humour, [je constate] que c’est vraiment difficile comme mère de tout faire, d’avoir le couteau entre les dents. Avant, j’avais des ambitions de tant de billets, mais là je me rends compte que plus tu vends de billets de shows, plus faut que tu les fasses les shows pour lesquels tu as vendu des billets. »

À propos de son numéro d’ouverture aux Olivier

« C’était mes 10 ans de carrière et je m’étais dit : « Je vais parler d’où je suis rendue là. » Mais moi, ce qui me stressait le plus dans les Olivier, c’était plus des affaires de robes et de seins tapés, ç’a été ça, mon vrai stress, beaucoup plus que de parler à Paul Arcand de la place des humoristes en 2023. Je me suis dit : « Je vais parler des vraies choses qui m’habitent. » Ça a l’air banal, ça a l’air niaiseux, ça a l’air d’être des jokes de totons, mais ce n’était pas que ça. »