« Partager un fou rire avec quelqu’un, c’est meilleur qu’un orgasme », s’exclame Christine Morency, qui entend bien emmener son public au septième ciel avec Grâce, son premier spectacle.

La scène, tirée du premier épisode de la série documentaire de Z Christine Morency : sans filtre, ne semble d’emblée que loufoque, mais porte en creux, à bien y regarder, quelque chose comme une petite allégorie. De retour chez elle après avoir participé à un enregistrement de La semaine des 4 Julie, l’humoriste tente de déverrouiller son téléphone, en lui présentant son faciès.

Problème : avec la couche de maquillage qui couvre les joues de sa propriétaire, l’appareil ne la reconnaît tout simplement pas. Un peu comme si son téléphone souhaitait lui rappeler que c’est son vrai visage, pour ne pas dire son authenticité, qui charme tant le public.

« Mais je n’ai pas de mérite », lance-t-elle au sujet de son incapacité à ne pas être entièrement elle-même à chaque seconde. « Je serais incapable d’avoir une fausse personnalité, ce serait trop d’effort. Je ne suis pas assez travaillante pour ça. »

Horaire chargé

Cette dernière phrase pourrait difficilement être plus fausse, tant l’agenda de Christine Morency déborde cet automne. Mais c’est indéniable : c’est cette explosive alchimie de charisme et de vérité brute, impossible à feindre, qui nourrit la relation étroite qu’entretient avec son public la femme de 36 ans, née pour la scène. Il suffit de l’entendre deux minutes avec un micro dans les mains pour s’en rendre compte.

« Mais ça n’a pas toujours été une évidence pour moi », dit celle qui a grandi au sein d’un foyer porté à bout de bras par sa maman (hilarant et attendrissant personnage secondaire de sa série docu) et dont Lise Dion était l’idole d’enfance. « Jeune, à 8, 9, 10 ans, je le disais ouvertement que je voulais être humoriste. J’ai toujours eu cette envie d’être celle dont on cite les jokes dans les partys de Noël. »

Mais à un moment donné, je me rendais compte qu’à part ma mère, les gens autour de moi n’avaient pas l’air d’y croire. C’est comme si je m’étais laissée convaincre que je n’avais pas le droit de rêver à ça, qu’il fallait que j’aie un plan B.

Christine Morency

Son plan B, ce sera l’intervention psychosociale auprès de personnes en situation d’itinérance, une expérience dont elle préfère parler en termes de gratitude, plutôt que de détour dont elle aurait pu se passer avant d’arriver à l’humour.

« Les barrières, c’est moi qui me les mettais, en n’y croyant pas moi-même. Même l’impro [son premier tremplin], ç’a été long avant que j’ose en faire. Mais à un moment donné, j’étais dans une passe tough et ma psy m’a fait prendre conscience de la valeur que j’avais, des bienfaits de s’aimer soi-même. Réaliser qu’on a des forces, les utiliser, ce n’est pas de la vantardise, c’est se connaître et s’aimer. »

Tombent les barrières

C’est donc dire que la naissance de Christine Morency, l’humoriste, date d’il y a peu de temps. De 2017, pour être précis. Elle ne tardera pas cependant à entrer dans le cœur d’un public qui la considère avec la même familière chaleur qu’une nièce ou une chum de femme, grâce à un humour essentiellement bon enfant, inspiré du quotidien, mais qui ne recule pas devant des sujets plus graves, comme la grossophobie. Grâce n’y fera pas exception.

Dans le troisième épisode de Christine Morency : sans filtre, la fille de radio essuie l’humiliation quand les vêtements choisis pour elle en prévision d’une séance photo pour son émission du midi à Rouge FM se révèlent trop étroits. Et soudainement, on en prend la mesure : il ne suffit pas de s’accepter soi-même pour que la vie soit douce, lorsqu’on est une personne grosse.

« C’est ça qui est difficile : parfois, même l’espace public n’est pas fait pour toi, se désole-t-elle. On va installer une rampe d’accès pour les personnes en fauteuil roulant, mais les tables du restaurant sont vissées dans le plancher, ça fait que je ne peux pas entrer dans la banquette. »

Pendant des années, j’ai été une personne grosse qui demandait des choses et on me disait d’aller ailleurs. Maintenant, je mets mon pied à terre, parce que la prochaine personne qui n’est pas Christine Morency, j’aimerais qu’elle ne se sente pas mal d’exiger une chaise qui ne lui transperce pas les flancs.

Christine Morency

A-t-elle peur de nourrir les stéréotypes sur les personnes grosses, en se moquant d’elle-même ? « Des fois, les gens font des jokes de gros sur eux-mêmes et ça ne me fait pas rire, parce qu’on sent que derrière, ce n’est pas réparé. J’en ai enlevé beaucoup de mon spectacle, parce qu’il ne faut pas qu’il y en ait trop. Mais il y en a qui sont drôles et que je n’enlèverai jamais, parce que le plus beau quand on arrive à rire de quelque chose, c’est que soudainement, toutes les barrières tombent. »

Grâce de Christine Morency, les 29 et 30 novembre et le 1er décembre à l’Olympia et en tournée partout au Québec

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