L’animateur de l’influente balado WTF, un habitué de Just For Laughs, explique ce que l’humour peut faire face à l’imminence de la fin du monde.

Marc Maron à la barre d’un gala Just For Laughs ? Le vétéran de l’humour américain, qui passe une bonne partie de ses spectacles assis sur un tabouret à se frotter les yeux sous ses lunettes, pratique un style à ce point en porte-à-faux avec l’énergie festive d’un tel évènement qu’on ne peut que s’en étonner.

« C’est plutôt perspicace comme observation », lance au journaliste, avec un degré d’ironie difficile à mesurer, celui qui visite Just For Laughs depuis le milieu des années 1990. « Mais déjà en 2001 ou 2002, je participais déjà à des spectacles du genre : « Vous souvenez-vous de ces gars-là ? » Comme j’ai la personnalité que j’ai, j’ai souvent cru, au fil des années, qu’on me négligeait à Just For Laughs pour certaines choses, comme animer un gala. J’ai eu du ressentiment envers les humoristes capables d’être plus accessibles, mais en vieillissant, je me rends compte que je n’étais peut-être tout simplement pas fait pour ça. Je n’en suis toujours pas entièrement convaincu. »

S’il a été précocement rangé dans la catégorie de ceux qui n’étaient pas parvenus à tenir toutes leurs promesses, Marc Maron renaissait à partir de septembre 2009 grâce à WTF with Marc Maron, matrice de toutes les balados où des humoristes jasent de choses sérieuses. En juin 2015, le président Obama rendait même visite à l’animateur dans son studio de fortune, aménagé dans son garage.

Mais au-delà de ses prestigieux invités, WTF aura ouvert une fenêtre sur la lente métamorphose de son hôte, dans les veines de qui coulait l’amertume de ne pas avoir connu autant de succès que certains de ses pairs. Les meilleurs épisodes de la balado sont de véritables classes de maître en matière d’écoute, un processus qui, chez Maron, n’est peut-être qu’une manière détournée d’apprendre à être attentif à ses marées intérieures.

Il n’y a aucun doute que ça a fait de moi une meilleure personne de parler aux autres de leurs problèmes, de trouver ce qu’on a en commun. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis aujourd’hui spécialement évolué sur le plan émotif, mais je suis moins prompt à me mettre en colère, parce que je comprends l’impact que ça a sur moi et sur les autres. Être en colère, de toute façon, c’est juste une excuse.

Marc Maron

Il interrompt le début de la question suivante, dans un élan d’anxiété que ses fidèles reconnaîtront immédiatement : « Est-ce que je te donne l’entrevue que tu espérais, ou tu aimerais que j’essaie d’être plus drôle ? »

Se libérer de la peur

Grâce à ses spectacles qui s’apparentent à un long débat entre différentes parties de lui-même, Marc Maron, 58 ans, incarne une conception du stand-up comme lieu de transparence totale. En juin 2020, il recevait à WTF Jerry Seinfeld, un épisode tendu où deux écoles de pensée s’affrontaient, ce dernier étant un orfèvre de la blague parfaitement construite mais qui ne révèle rien, ou si peu, de celui qui l’a écrite.

« Tous les humoristes parlent de choses personnelles. Il y a peut-être juste quelque chose d’un peu plus confrontant dans ce que je fais », pense Maron, qui s’exprime au micro avec témérité, irascibilité et beaucoup d’intransigeance (envers lui-même).

« La mort de ma blonde ou la démence de mon père, ce sont des sujets intimes, mais je pense qu’on peut quand même tous s’y identifier. Sauf que si ma blague échoue, c’est souvent pour des raisons de ton ou de contenu. Je prends un risque. Ce n’est pas comme Jerry, qui déplace un mot ou une phrase pour rendre son segment sur le dentifrice plus efficace. »

Jerry trace une ligne entre deux sortes d’humour, et c’est plutôt ridicule. Il pense que rien ne devrait être en jeu sur scène, qu’il n’y a rien à y apprendre, que tout ce qui compte, c’est le rire, alors que je pense que l’humour peut aussi contribuer à nous élever.

Marc Maron

This May Be the Last Time. Tel est le titre du spectacle que présente Marc Maron ce jeudi et vendredi, moins d’un clin d’œil à une éventuelle retraite qu’à la fin du monde, qu’elle soit précipitée par une autre pandémie, les changements climatiques ou « la montée du fascisme chrétien aux États-Unis ».

« C’est difficile d’apercevoir à l’horizon la fin de notre espèce et d’être enthousiaste à l’idée de faire de l’humour. Mais il y a quelque chose dans le fait de créer des rires à partir de notre désespoir qui est essentiel, si on veut se sentir uni aux autres. Je ne pense pas que ça contribue à régler les problèmes auxquels on fait face, mais l’humour aide à se libérer un instant de cette immense peur. »

This May Be the Last Time, à la salle Claude-Léveillée, les 28 et 29 juillet. Gala de Marc Maron, au Théâtre Maisonneuve, le 30 juillet.

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