Notre téléphone affiche 10 h 30 (7 h 30, heure de Los Angeles), et Chelsea Handler est toujours au lit, mais l’humoriste, auteure, animatrice, actrice, militante, productrice et grande consommatrice de cannabis est parfaitement éveillée. Elle s’est même « assise bien droite », histoire d’être « alerte » pour notre entrevue. Et ça s’entend.

Notre journée a beau avoir commencé trois heures plus tôt en raison du décalage horaire, Chelsea Handler témoigne d’une telle vivacité d’esprit qu’on jurerait qu’elle sort d’un après-midi complet de débat oratoire. Qu’on aborde la culture du bannissement, les maux qui rongent les États-Unis, sa venue prochaine à Montréal ou l’orientation « plus engagée » qu’elle prend depuis quelque temps, Chelsea Handler répond avec franchise, intelligence et aplomb à toutes nos questions.

« L’élection de Donald Trump a été un tournant, raconte l’Américaine de 47 ans. C’était une période très sombre. Ça faisait peur. Ça m’a poussée à penser davantage aux autres, au lieu de toujours penser à moi-même. Depuis, mon discours est beaucoup plus éclairé. Je n’ai plus envie d’empocher un chèque de paie sans réfléchir. »

Son parcours témoigne du changement de cap opéré. Après avoir piloté un talk-show de culture pop (Chelsea Lately) sur E ! pendant sept saisons et publié plusieurs best-sellers du New York Times (dont My Horizontal Life, dans lequel elle décrit ses aventures d’une nuit), Chelsea Handler a commencé à produire des documentaires pour Netflix. Et plus les années passent, plus elle s’intéresse aux grands enjeux de société. Le tout, sans jamais délaisser son style irrévérencieux et décapant.

Depuis 2021, elle anime également Dear Chelsea, un balado hebdomadaire dans laquelle elle guide, avec humour et pertinence, ses auditeurs aux prises avec différents types de problèmes (amour, sexe, argent, famille).

« Comme tout le monde, j’ai connu des hauts et des bas, lance-t-elle. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être en contrôle. Je suis ancrée. Je fais ce que je veux. Je dis oui aux choses que j’ai envie de faire, et non aux autres. C’est agréable comme sentiment. C’est puissant comme sentiment. J’aime penser que je peux servir de modèle aux jeunes femmes qui pensent qu’il y a des choses qu’elles ne pourront jamais accomplir parce qu’on vit dans un monde d’hommes. On peut avoir le choix. Mais il faut oser et prendre des risques. Ça demande du courage. »

La folie américaine

Parlant de courage, Chelsea Handler n’en a jamais manqué pour exprimer ses opinions sans filtre, quitte à subir les foudres de l’électorat républicain. Au cours des derniers mois, elle ne s’est pas gênée pour décrier l’annulation de l’arrêt Roe c. Wade, qui garantissait le droit à l’avortement aux États-Unis, et l’inaction des politiciens devant l’épidémie de tueries de masse.

C’est la folie ! On dirait qu’on recule, qu’on régresse. C’est le Far West. C’est horrible. Et c’est la raison pour laquelle je saisis chaque occasion de sortir du pays.

Chelsea Handler

Cette semaine, l’humoriste joindra l’utile à l’agréable en quittant temporairement sa Californie adoptive (elle vient du New Jersey) pour piloter un gala au festival Just For Laughs de Montréal. Sur scène, elle offrira du matériel inédit aux spectateurs, écrit expressément pour l’évènement. Elle n’ira donc pas piger dans son one-woman-show, intitulé Vaccinated and Horny (en français, Vaccinée et excitée), qu’elle promène actuellement partout en Amérique du Nord.

Durant son passage au Théâtre Maisonneuve, elle sera entourée de huit étoiles de l’humour anglo, dont Vanessa Gonzales, Atsuko Okatsuka, Celeste Barber, Sam Jay et Salma Hindy. « La nouvelle génération d’humoristes est tellement drôle et talentueuse. Elle m’inspire beaucoup », insiste-t-elle.

Chelsea Handler n’a jamais caché son amour du Canada. Ceux qui suivent ses aventures sur Instagram savent qu’elle y passe beaucoup de temps, notamment pour skier. On pourrait d’ailleurs citer une courte vidéo tournée l’hiver dernier (et vue à 6 200 000 reprises) dans laquelle elle dévale les pentes seins nus, un joint dans une main, un cocktail dans l’autre.

J’aime les femmes canadiennes. Elles sont fortes. Ce sont elles qui mènent le bateau. C’est quelque chose que j’apprécie ! Le Canada, c’est une solution de rechange beaucoup plus civilisée aux États-Unis.

Chelsea Handler

Lorsqu’on l’informe qu’au Québec, certaines personnalités aiment répéter — sur diverses tribunes — qu’« on n’a plus le droit de rien dire », Chelsea Handler ne s’émeut pas. En tant qu’humoriste réputée pour son franc-parler, elle n’a jamais senti qu’elle n’était pas libre de dire ce qu’elle voulait.

« Tout ce qu’on demande aux gens, c’est qu’ils arrêtent d’être racistes et sexistes, résume-t-elle. C’est tout ce qu’on veut. Ce n’est pas très restrictif. Si tu n’es pas assez intelligent pour respecter ces limites, qui sont somme toute assez claires, tu devrais réévaluer ta carrière. Ce n’est pas un défi particulièrement élevé de devoir manœuvrer à l’intérieur de certains paramètres rehaussés. Ça en dit long sur ton vrai talent, si tu n’y arrives pas. »

À l’écouter parler, on comprend que Chelsea Handler n’a plus de patience envers ses collègues qui crient à la censure.

« Ton job, ce n’est pas de discriminer, c’est de faire rire les gens et d’alimenter la discussion. Et promouvoir le vivre-ensemble et l’inclusion. Tout le monde se plaint que tout est trop politiquement correct, qu’on ne peut pas dire telle chose, qu’on ne peut pas dire telle autre chose. L’idée, ce n’est pas de résister au changement en disant : “Ahhhh ! Je ne peux pas faire mon travail !” Ça, c’est la voie facile. Il faut être capable de s’adapter à l’époque dans laquelle on vit. »

En thérapie

Ces jours-ci, Chelsea Handler manque d’heures pour mener à terme ses nombreux projets. Entre deux performances au micro, elle termine l’écriture d’un nouveau livre. Au départ, l’ouvrage devait s’appeler The Filipino in Me (en français, Le Philippin en moi), en clin d’œil à l’humoriste Jo Koy, qu’elle a fréquenté durant la dernière année, mais puisque le couple vient d’annoncer sa rupture (quelques heures seulement après notre entrevue), on ignore quel sort lui sera réservé.

La vedette prépare également une série télé semi-autobiographique pour Peacock, la plateforme de diffusion en continu du réseau NBC.

« Ça risque d’être tout nouveau pour moi. Je n’ai jamais joué mon propre rôle à la télévision avant. Ce sera super excitant. Ce sera un peu comme Curb Your Enthousiasm, mais avec moi, en thérapie, qui tente de comprendre pourquoi je suis devenue une aussi grosse bitch. »

Chelsea Handler anime un gala Just For Laughs avec comme invités Salma Hindy, Vanessa Gonzalez, Atsuko Okatsuka, Adam Christie, Sam Jay, Tommy Little, Jay Jurden et Celeste Barber. Au Théâtre Maisonneuve, le jeudi 28 juillet à 19 h.

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