Pierre Légaré, qui a fait rire et réfléchir les Québécois grâce à ses questions existentielles, s’est éteint mardi à l’âge de 72 ans.

« Entouré des siens, il est décédé paisiblement à Saint-Jean-sur-Richelieu », a confirmé son agent dans un communiqué. Il laisse dans le deuil sa conjointe et ses trois enfants.

De nombreuses réactions ont fusé sur les réseaux sociaux, traçant le portrait d’un homme « bon », « drôle » et « intelligent ». « Le Québec perd un de ses plus grands humoristes, a souligné Nathalie Roy, ministre de la Culture et des Communications, sur Twitter. Tout en subtilité et en intelligence, Pierre Légaré savait tout autant déclencher le rire qu’une réflexion profonde. J’offre mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. »

« C’était un homme que je respectais énormément, pour son talent humoristique mais surtout pour l’humain qu’il était, a pour sa part écrit son collègue Mike Ward. Vraiment une belle personne. Mes pensées sont avec sa famille et ses amis. »

« Pierre Légaré c’était l’intelligence et la sensibilité combinées, a renchéri Guy Nantel. Quelque part entre Sol et Yvon Deschamps, il a développé un style unique en son genre avec ses questions existentielles absurdes. Et en bonus, un chic type en dehors de la scène. Merci Pierre ! »

Auteur d’abord

Retiré de la vie publique depuis une quinzaine d’années, l’ancien psychologue s’était d’abord illustré comme auteur humoristique à la radio, principalement pour Le festival de l’humour québécois, sur les ondes de CKAC 730 (1974-1995).

C’est Pierre Légaré, devenu script-éditeur, qui a donné à l’auteur Stéphane Bourguignon sa première chance. « On était quatre nouveaux auteurs qui sont rentrés en même temps, dont François Avard, pour qui je pense que c’était aussi la première job », raconte le scénariste derrière les séries La vie, la vie, Tout sur moi et Fatale-Station.

L’équipe de scribes avait une semaine pour pondre les textes humoristiques interprétés entre autres par Tex Lecor, Pierre Labelle, Roger Joubert et Louis-Paul Allard. « La première année et même encore par la suite, Pierre recevait le vendredi l’équivalent d’une heure de show écrite par des gars et des filles qui n’avaient jamais fait ça de leur vie. Lui passait la fin de semaine à retravailler ça, à raturer, à écrire de meilleures jokes. Le lundi, quand on se voyait, il nous expliquait ce qu’il avait fait. Il était d’une grande générosité et d’une grande patience. »

Il m’a appris beaucoup de trucs, dont le plus important : ne pas avoir peur de jeter le matériel qui ne fonctionne pas à 100 %, de recommencer et de réécrire, et de recommencer et de réécrire. C’est toujours resté dans mon écriture.

Stéphane Bourguignon, romancier et scénariste

Stéphane Bourguignon décrit un homme « d’une grande intelligence, très, très drôle, divertissant et sympathique », qui restait le même en public et en privé. « C’est quelqu’un pour qui j’ai toujours eu beaucoup d’estime et qui a toujours gardé une place spéciale dans mon cœur. Ç’a été mon premier mentor et peut-être le seul. »

Pierre Légaré a plus tard écrit pour la télévision (Samedi de rire, Ad Lib) et pour le théâtre (Waiter !, C’est pas un siphon, c’est mon frère). En 1989, le comique et philosophe brille sous les feux de la rampe avec son premier spectacle solo, Recherchez Légaré. S’ensuivent les spectacles Légaré 2 et Guide de survie. Sa quatrième offrande, Rien, restera son chant du cygne. Pour cette collection de jeux de mots et de traits d’esprit, l’humoriste reçoit le Félix du spectacle de l’année 1999 en humour, l’Olivier du meilleur texte, l’Olivier du meilleur monologue et celui du meilleur spectacle d’humour stand-up.

« Sa façon de voir le monde était très personnelle, sa manière de débusquer les absurdités de la vie et de l’être humain, explique Stéphane Bourguignon. Il mettait le doigt sur nos paradoxes. »

Pierre Légaré a par ailleurs décroché un record Guinness grâce à ses capsules télévisées Mots de tête, la plus courte émission au monde. Sous le même titre, l’humoriste a publié quatre recueils d’aphorismes.

En 2007, Pierre Légaré avait frôlé la mort, atteint d’un cancer de la vessie. Il s’était rétabli et consacrait depuis son temps à sa santé et au moment présent : « Le secret du bonheur, c’est d’être heureux », aimait-il à dire.

Quelques citations mémorables

« Si tu parles à ton eau de Javel pendant que tu fais ta lessive, elle est moins concentrée. »

« Quand quelqu’un te dit que tu es brillant, il finit toujours par te dire qu’il pense exactement comme toi. »

« Il y a beaucoup de remèdes pour lesquels on ne connaît pas de maladie. »

« Il y a des prix qu’on reçoit, il y a ceux qu’on mérite. »