Est-ce qu’il y a, en humour, des sujets à prendre avec des pincettes ? Selon Anas Hassouna et ses invités au gala Extrémiss, présenté hier soir et ce soir à la Place des Arts, la réponse est non.

Le talent d’Anas Hassouna

Dès les premières minutes, l’animateur de la soirée, Anas Hassouna, a mis les spectateurs dans sa poche, entre autres en imitant les humoristes des années 90. Mais attention, ce type d’anecdotes est loin de ressembler à ce qui attendait le public. Dans ce gala, il est question d’extrémisme, de terrorisme et de radicalisation, des thèmes qu’Anas Hassouna sait manier avec humour et doigté. Il l’a dit rapidement : il y aura des malaises pendant la soirée. Et il est le premier à en avoir créé un en disant à propos des « trolls » sur les réseaux sociaux : « L’humanité va s’éteindre, parce que les BS ont l’internet. » Même pour présenter ses invités, il savait trouver le bon mot pour faire rire, notamment lorsqu’il s’est excusé du fait qu’aucune femme humoriste n’était encore montée sur scène : « Vous devez vous dire : criss, c’est une mosquée, ce show-là… Il n’y a pas de femme ! »

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Bruno Ly

La révélation

Bruno Ly a visé juste tout au long de son numéro. Cet humoriste sénégalais, vivant au Québec depuis 20 ans, utilise les clichés racistes pour mettre en lumière l’absurdité de ces derniers. Et il le fait très bien. Que ce soit sur le débat sur la laïcité, la difficulté de faire des compromis ou la violence des commentaires haineux sur les réseaux sociaux, il réussit, avec beaucoup d’humour, à frapper dans le mille.

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Eddy King

L’étoile du match

Eddy King a toujours une manière bien à lui d’aborder des sujets délicats comme le racisme. Encore hier, il est devenu le « petit Blanc » en nous racontant sa dernière visite au Congo, où son cousin est devenu récemment le président du pays et où il est considéré comme un étranger. Et tout en subtilité, il a raconté que lorsqu’il met les pieds dans ce pays, il y devient raciste et cultive les préjugés. Au Québec, il est un « mec de gauche ». Là-bas, il devient un homme de droite, qui n’aime pas les étrangers et qui a envie « de construire un mur ». Un numéro fort et utile. Ce serait bien de voir plus souvent Eddy King dans notre télé et sur nos scènes.

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Mélanie Ghanimé

Le sexisme

À son arrivée sur scène, Mélanie Ghanimé, seule femme humoriste de la soirée, semblait bien nerveuse. Elle a confié avoir l’habitude de faire de l’humour d’observation, rarement de l’humour engagé ou social. Mais petit à petit, la confiance a pris le dessus, et l’humoriste s’est attaquée avec esprit et franchise au sexisme. « C’est une grande qualité d’être une femme en humour », a-t-elle lancé en donnant quelques bons exemples de propos sexistes qu’elle a pu entendre dans le milieu. Il ne fallait pas être naïf, disait-elle, elle avait été invitée à ce gala parce qu’elle a « une vulve ». Elle a crié des mots comme « ovaire », « menstruation », « vaginite » et « clitoris » parce qu’elle devait faire de « l’humour de filles »… Sinon, il aurait invité un gars de plus, nous a-t-elle dit. Certes, nous aurions pris plus de femmes sur scène, mais il faut avouer que Mélanie Ghanimé a assuré pour dix.

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Redouane Bougheraba

Le verdict

Est-ce qu’il y a eu des malaises ? Oh oui ! De bons malaises jouissifs où les travers de tout un chacun font rougir et rire. Il y a aussi eu – mais si peu – des malaises dont nous nous serions passés, entre autres par le Français Redouane Bougheraba, qui a fait des blagues douteuses sur les homosexuels. Comme disait Anas Hassouna en début de gala, ça ressemblait à de l’humour d’un humoriste des années 90. Reste que le gala d’Anas Hassouna n’est pas en dents de scie et vaut la peine d’être vu pour les sujets abordés et, surtout, la qualité des humoristes présentés, dont Jason Brokerss, Reda Saoui et Adib Alkhalidey.