En 2010, Margaret Trudeau s’est racontée sans filtre dans son autobiographie En libre équilibre pour mieux sensibiliser la population aux problèmes de santé mentale dont elle a elle-même souffert. L’ex-« première dame » du Canada a choisi de transposer l’expérience sur scène et présentera, dans le cadre de Just For Laughs en juillet, son spectacle Certain Woman of an Age.

C’est sur l’air de I Love Rock’n’Roll de Joan Jett que Margaret Trudeau a fait son entrée sur scène lors de la conférence de presse organisée hier par Just For Laughs. Jeans délavés, petite veste rose fleurie et chaussures sport argentées scintillantes, l’ex-première dame n’est pas passée inaperçue. 

À 70 ans, Margaret Trudeau a eu la chance de roder il y a quelques semaines son spectacle Certain Woman of an Age au mythique théâtre Second City de Chicago, où la crème des humoristes américains a passé avant elle. Malgré une programmation déjà bien tassée, Bruce Hills, président de Just For Laughs, n’a pu résister à l’envie d’inviter Margaret Trudeau à participer à son festival après l’avoir vue sur scène. 

« Margaret est une vraie Montréalaise et son spectacle est aussi véridique que drôle. C’est un dosage parfait entre l’humour et les choses plus difficiles qui lui sont arrivées dans sa vie. Ses problèmes de santé mentale sont abordés de front, ce qui est une bonne chose, car les gens ont besoin d’entendre comment elle a pu s’en sortir et comprendre la manière dont elle a géré tout cela. » 

« Son sens de l’humour et du timing m’a beaucoup surpris, tout comme son humilité et son honnêteté. »

Charmé par la prestation de Margaret Trudeau, tout comme la critique et ses proches venus l’encourager ce soir-là, le grand manitou de Just For Laughs ajoute ainsi l’ex-première dame, devenue une des plus grandes ambassadrices de la santé mentale, pour trois soirs au Gesù. C’est avant tout pour la cause que Margaret Trudeau a choisi de raconter sa vie, sans tabous, au public.

« J’ai bien dû faire plus de 500 discours en tant qu’ambassadrice de la santé mentale au cours des 13 dernières années. Je monte sur scène régulièrement aux États-Unis comme à travers le pays pour partager avec cœur mes expériences. J’ai une grande amie, Diane Alexander, qui est propriétaire avec son mari de Second City. Elle connaît mon humour et m’a dit qu’elle aimerait beaucoup présenter mon histoire sur scène », se souvient Margaret Trudeau. « J’ai désormais une metteuse en scène, une productrice et une auteure, une équipe de femmes fabuleuses. C’est ma plus belle expérience de travail. Presque toute ma vie, je me suis battue seule. Je fais partie d’une équipe pour la première fois de ma vie », ajoute-t-elle.

Déstigmatiser les problèmes de santé mentale

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Margaret Trudeau, flanquée de Charles Décarie, président et PDG du Groupe Juste pour rire, et de Bruce Hills, président de Just For Laughs

À 50 ans, tout juste après la mort de son ex-mari Pierre Elliott Trudeau, Margaret Trudeau a reçu un diagnostic de trouble bipolaire. Un véritable soulagement pour l’ex-première dame dont les frasques avaient été scrutées à la loupe par les médias au fil des années et qui avait perdu pendant un bon moment sa joie de vivre. 

« L’idée est de déstigmatiser la bipolarité et de traiter les problèmes de santé mentale comme toutes les autres maladies », explique Margaret Trudeau.

« Je divise clairement ma vie entre le moment où je n’étais pas traitée pour cette maladie mentale sérieuse et celui où j’ai été diagnostiquée, mais dans le déni, ajoute-t-elle. Puis le moment est venu où j’ai dû choisir entre aller mieux ou mourir. J’ai choisi d’aller mieux et ma vie a réellement commencé. »

« Je fais ça parce que j’ai failli perdre la vie à plusieurs reprises. Les personnes atteintes de bipolarité ont le plus haut taux de suicide. J’ai dû refaire ma vie, tout laisser derrière moi, recommencer à zéro parce que j’étais une femme brisée. Mais grâce à l’aide des médicaments et de la thérapie, j’ai retrouvé ma joie de vivre. »

Si elle est aujourd’hui reconnue pour son redoutable sens de l’humour, Margaret Trudeau n’a pas toujours su garder le sourire. Elle raconte d’ailleurs dans son spectacle une des épreuves les plus difficiles de sa vie. « Après avoir perdu mon fils Michel puis Pierre, j’ai perdu ma joie de vivre pendant plus de cinq ans. C’est revenu doucement et c’est ce que j’explique sur scène », précise-t-elle.

Tout comme l’existence de Margaret Trudeau, Certain Woman of an Age est beaucoup plus qu’une succession d’anecdotes dramatiques. Dans un registre beaucoup plus léger et photos à l’appui, elle raconte également ses moments les plus heureux, notamment à travers ses rencontres avec le pape ou la reine d’Angleterre, et ses fréquentations, comme Ryan O’Neal, Jack Nicholson, Mick Jagger ou Andy Warhol.

Elle fait aussi preuve d’une grande autodérision en abordant sa séparation de Pierre Elliott Trudeau et en témoignant de son passage au 24, Sussex qui, selon elle, a exacerbé sa maladie. « Vous savez ce qui vous prépare à l’hôpital psychiatrique ? Être la femme du premier ministre ! », lance-t-elle dans son spectacle.

Présent à Chicago pour l’encourager il y a quelques semaines, Justin Trudeau soutient entièrement sa mère dans sa démarche artistique et n’aurait émis aucune réserve quant au contenu de son spectacle.

« Justin a le boulot le plus important du pays, mais il est mon garçon, tout comme ses frères. Il est très fier de moi. Il a ri, mais aussi pleuré en voyant le spectacle. Il ne m’a mis aucune restriction. Son père ne le pouvait pas. Pourquoi aurait-il essayé ? », s’amuse l’ex-première dame, qui invite volontiers le public tout au long de son spectacle à scander « Fuck you ! », comme pour mieux se libérer des irritants de la vie. « Mes enfants ont entendu ça plus d’une fois dans la bouche de leur mère avant ça. C’est une expression de notre colère. Le public adore ce moment », conclut Margaret Trudeau.

Au Gesù, du 25 au 27 juillet, dans le cadre de Just For Laughs.

Consultez le site de Just For Laughs (en anglais) : https://www.hahaha.com/en/montreal-festival