Guillaume Wagner présentait hier soir au Théâtre Outremont Du cœur au ventre, son troisième spectacle solo. De retour avec un humour toujours aussi acide, mais plus réfléchi, il a servi une bonne dose d’énergie punk à son public, qu’il a invité tout au long de la soirée à tout envoyer balader.

Guillaume Wagner le reconnaît lui-même : il ne vit pas à la bonne époque. Et il est souvent à un cheveu de passer pour un moralisateur donneur de leçons qui lave plus blanc que blanc. Pourtant, après l’avoir écouté pendant près de 90 minutes, force est d’admettre que l’humoriste évite habilement ce piège pour transmettre un message qui devrait particulièrement déplaire aux détracteurs de la « gauche bien-pensante ».

Bien que son message révolutionnaire punk ne date pas d’hier, Guillaume Wagner y apporte une touche d’humour très efficace, particulièrement grâce à ses observations de notre société et de ses propres travers. L’humoriste fâché envoie tout promener. Et s’il devait écrire un livre de croissance personnelle, il n’aurait qu’un seul mantra : dire « fuck you » à tout ! À nous-mêmes, d’abord, mais aussi au système, aux conventions, et surtout au showbiz et aux réseaux sociaux.

Guillaume Wagner semble à la fois fasciné et dégoûté par la colonie artistique sur laquelle il porte un regard inquisiteur et dont il remet en question l’intégrité. L’humoriste fait dans la caricature, bien entendu, mais on ne peut que la raccorder à sa sortie publique concernant le choix de Martin Matte de s’associer à Maxi.

« Je pourrais me rentrer une bouteille de Coke dans le rectum que les gens diraient : “Ça va bien ses affaires, Coke l’a choisi !” »

Wagner pose aussi un regard acéré sur son propre clan, l’industrie de l’humour, cette réunion d’artistes « en manque d’amour à combler ». À quelques reprises au cours de la soirée, il teste les limites de son public et se permet de flirter avec les limites qu’il veut bien lui accorder. « J’ai besoin d’un public de gens brisés en dedans, de personnes cyniques », admet-il.

L’humoriste propose un numéro très réussi sur ses réflexions découlant du mouvement #metoo, en s’adressant particulièrement aux hommes et en les invitant à combattre leur viking intérieur et à repousser leur masculinité toxique. Il en profite d’ailleurs pour dénoncer les blagues sexistes que certains de ses confrères peuvent encore faire en 2019. Une déclaration plutôt ironique de la part d’un humoriste qui s’est lui-même, par le passé, déjà prêté à l’exercice (saluons Marie-Élaine Thibert).

Dénonçant l’individualisme de sa génération, Guillaume Wagner voit dans les réseaux sociaux l’expression la plus simple du narcissisme.

« Tassez-vous, la vie n’est qu’une succession de paysages pour mon magnifique visage », lance-t-il en imitant les jeunes armés de perche télescopique pour téléphone intelligent en quête du meilleur selfie. Son numéro sur l’internet et les réseaux sociaux est particulièrement drôle et bien ficelé. « Tout le monde est gênant, personne n’est gêné », précise l’humoriste à propos d’Instagram et d’autres plateformes du genre.

« Ramenez la honte ! », ajoute-t-il.

L’humoriste anticonformiste invite aussi son public à la rébellion, à mettre un peu de chaos dans une société trop ordonnée. « Je vous donne la morale de mon spectacle : y’en a pas. Trouve-là toi-même. Développe ton propre esprit critique ! », balance l’humoriste.

Avec Du cœur au ventre, Guillaume Wagner propose de loin son meilleur spectacle.

Bien écrit malgré quelques observations faciles sur certains sujets (comme les climatosceptiques), ce spectacle ne révolutionne pas le monde de l’humour, mais rappelle qu’il est possible de blaguer et, surtout, de penser autrement. Le sens de l’observation et de la formule de Guillaume Wagner est particulièrement intéressant. L’humoriste navigue habilement sur son cynisme sans tomber dans la moralisation. On ressort diverti et rassasié par son contenu, tout en fredonnant l’air de Fight the Power de Public Enemy sur le chemin du retour.

★★★½ Du cœur au ventre. Guillaume Wagner. En tournée au Québec.