Sur le point de lancer son troisième spectacle solo, Alexandre Barrette souhaite s'affirmer exclusivement comme humoriste et mettre derrière lui son image d'animateur de jeux-questionnaires.

«Je sais que c'est un peu intense de le dire comme ça, mais quand je vais mourir, j'aimerais que les gens ne se souviennent pas de moi comme d'un animateur de quiz...»

Plus de 15 ans après avoir obtenu son diplôme de l'École nationale de l'humour, et avec au compteur plus de 200 000 billets vendus pour ses deux premiers spectacles, Alexandre Barrette se retrouve dans une situation plutôt inusitée. En effet, à quelques jours du lancement de son troisième solo, l'humoriste de 37 ans rappelle à qui veut l'entendre qu'il est d'abord et avant tout... humoriste.

«Je ne renie pas du tout ce que j'ai fait avant, mais c'est un changement de cap.»

S'il «assume complètement» ses années passées derrière le volant de son Taxi payant, il retrancherait probablement quelques saisons à Atomes crochus si c'était à refaire. Ces deux projets l'ont occupé pendant presque une décennie.

Il assure néanmoins que d'avoir choisi cette voie aussi tôt dans sa carrière «était la bonne décision», dans la mesure où elle lui a donné la possibilité de continuer à écrire et à monter sur scène sans avoir un emploi alimentaire en parallèle.

À l'époque, dit-il, c'est Louis-José Houde qui l'a encouragé à accepter l'offre télévisuelle qui se présentait. Donnerait-il le même conseil à un jeune humoriste aujourd'hui? «Oui, quoique ça dépende du projet, répond-il. Mais il faut garder son objectif premier en tête.

«Même pendant mes années à la radio et à la télé, je faisais 150 shows de rodage par année, poursuit-il. Je n'arrêtais jamais. Depuis 10 ans, j'écris chaque jour de ma vie. Ça reste la chose que j'aime le plus. Je me suis souvent pété la gueule sur scène, mais j'y ai vécu des moments de magie que jamais la télé ne pourra me procurer.»

Assumé

Le voilà donc de retour sur scène pour son troisième one-man-show, Semi-croquant, dont le titre témoigne du caractère plus incisif qu'il a insufflé à ses textes. «Je me permets d'aborder des sujets que j'aurais peut-être évités avant, pour ne pas choquer. Je suis baveux, j'aime provoquer un peu... Mon entourage me dit que ça ressemble davantage à mon image de tous les jours», détaille Alexandre Barrette.

Il ne se gêne donc pas pour aborder des sujets comme l'homophobie, la violence dans le sport, l'argent, l'image corporelle. Des enjeux au centre de l'actualité, mais qui, à l'évidence, ne l'enverront pas en procès pour diffamation. «Il n'y a pas de scandale à l'horizon », convient celui qui « ne cherche pas la polémique».

Selon lui, c'est sa confiance en ses moyens qui change tout. «Je fais un numéro sur les propriétaires de pitbulls: avant, je me serais demandé si l'association des propriétaires de chiens de la Montérégie n'allait pas se partir une page Facebook contre moi. Aujourd'hui, je m'en câlisse. C'est drôle, c'est de l'humour, c'est tout.»

Petites salles

En rodage depuis quelques mois, Semi-croquant sera lancé pour de bon ce mercredi à Québec. Puis, jusqu'à la fin de l'année, Barrette suivra le parcours habituel des grandes salles de la province.

À une exception près, et pas la moindre: Montréal. Dans la métropole, une dizaine de dates sont déjà arrêtées, mais exclusivement dans des salles de moins de 300 places. À titre de comparaison, la salle Albert-Rousseau, dans la Vieille Capitale, en compte plus de 1300.

Au cours de la tournée de son spectacle précédent (Imparfait), il n'était pas rare qu'il comble les pauses entre les représentations en allant présenter des numéros de 10 ou 15 minutes dans une soirée d'humour montréalaise. Cette fois-ci, il a plutôt décidé de faire de ces petites salles la norme et non l'exception.

«Je sais que je ne peux pas faire le Théâtre St-Denis 50 fois, mais des salles de 100 places, ça, je peux le faire souvent. Les interactions avec le public que ces petites salles procurent, c'est comme une deuxième vague d'écriture. Ça me permet de continuer à améliorer le show.»

De toute façon, fait-il remarquer, il a déjà ses entrées dans les soirées d'humour, où il a en outre l'occasion de côtoyer la jeune génération d'humoristes, dont le sérieux et l'éthique de travail le poussent lui-même au dépassement. «Ce sont des guerriers! s'emballe-t-il. Je les vois sortir de scène, réécouter leur numéro dans leurs écouteurs, réécrire, reformuler leurs blagues. Je trouve que ça crée des humoristes supérieurs à ce qu'on voyait avant.

«C'est sain de voir le milieu évoluer, ajoute-t-il. C'est correct de constater qu'Alex Ovechkin est plus performant que Maurice Richard, qui était une vedette à son époque, mais qui n'affrontait pas la même compétition.»

Alexandre Barrette ne s'en cache pas : même s'il voit arriver la fin de la trentaine, il préfère s'associer à cette jeune vague et fait tout pour ne pas «s'embourgeoiser». «Je pense que je rentre dans la période le fun, je ne veux pas devenir un vieux, dit-il. J'ai encore du temps devant moi!»